Les longs métrages en provenance de la Roumanie sont toujours d’excellents films. Pensons à « 4 mois, 3 semaines, 2 jours » de Cristian Mungiu, Palme d’Or en 2007. Il en va ainsi de « Ce nouvel an qui n’est jamais arrivé », de Bogdan Mureşanu, dont c’est le premier film. Présenté à Cannes, il pouvait légitimement concourir pour la Caméra d’or, tant il s’avère des plus singuliers, sortant des sentiers battus et remarquablement interprété. Il retrace sur le mode fictionnel, les derniers jours de la période Ceaușescu, en décembre 1989.
Période historique fondamentale pour ce pays, mais qui
recèle de nombreuses interrogations, que ce soit concernant les faits
déclencheurs des évènements de Timisoara, pour lesquels les médias occidentaux
ont fait preuve d’une des plus grandes manipulations de l’histoire du
journalisme. De même concernant des fusillades dans la ville de Bucarest comme
de l’exécution de Ceausescu et de
son épouse.
Mais revenons au film de Bogdan Mureşanu. Il met en scène
différents acteurs et actrices de cette semaine historique : deux jeunes
voulant fuir le pays ; un ouvrier, son épouse et son fils, lequel a envoyé
sa lettre au père noël ; une femme âgée qui doit quitter sa maison natale,
le quartier allant être rasé, et que le fils reloge en appartement ; mais
surtout, un groupe de techniciens de la télévision chargés de créer un petit
film pour le nouvel an, vantant les mérites du chef de l’état. Et c’est là que
les choses vont dérailler. Allégorie de la chute du système Ceausescu.
Sur fond musical du Boléro de Ravel, qu’on distingue à peine
au début et qui ira en s’amplifiant jusqu’au final, les petites scènes se
succèdent en s’intégrant parfaitement les unes aux autres, remarquable travail
au montage. On passe de l’une à l’autre, parfois sans s’en apercevoir. Et puis,
il y a cette histoire de lettre au père noël, envoyée par l’enfant, que la
police découvrira fatalement, et qui dénonce le père souhaitant la mort de Nico
(Ceausescu), ce qui le rend fou furieux,
se voyant déjà jeté en prison. On pense inévitablement à cette scène, « le mouchard », de « Grand- peur et misère du IIIème
Reich » de Brecht.
Au final, on entre dans l’histoire quand les faits réels
sont, soit recréés, tel ce rassemblement d’ouvriers voulu par le régime et se
transformant en scène d’émeute, soit présentés avec des images d’archives. Un
dernier portrait montre le visage de cet ouvrier qu’on sent partagé en divers
sentiments : celui de voir la révolution s’engager et lui-même ne plus
redouter la police, ou celui d’aspirer à un autre régime autoritaire, et il
l’est assurément au sein de son foyer, celui de l’extrême-droite qui
aujourd’hui est aux portes du pouvoir en Roumanie ? On reparlera de Bogdan
Mureşanu.