Il arrive quelquefois qu’un film sorti sur les écrans depuis
quelques jours, vienne heurter l’actualité de plein fouet, et par le plus grand
hasard. Il en est ainsi de « A
Normal Family », du réalisateur sud-coréen Hur Jin-ho, peu connu en France, film sorti
sur les écrans en 2023 et le 11 juin dernier en France. On se demande d’ailleurs
bien pourquoi il aura fallu attendre deux années pour qu’il soit projeté dans
les salles de l’hexagone.
Le scénario est adapté du roman « le
Dîner » de l’écrivain néerlandais Herman Koch, paru en 2009 et traduit
ensuite en 33 langues (parution en France en 2011), best-seller mondial.
On se doute, à la lecture du titre, que cette famille à
première vue « normale » (il faudra attendre le générique de fin pour
voir ses sept membres poser devant un photographe, tout souriants), va
brutalement exploser. Soit deux frères : l’un, avocat très connu, marié
avec une jeune épouse qui vient de donner naissance à un bébé, et une ado d’un
premier mariage préparant son entrée à l’université ; l’autre, chirurgien
de renom, marié, un ado au foyer en butte à du harcèlement au lycée ; les
deux épouses n’ont pas d’emploi, nous sommes en Corée du Sud, et ne s’apprécient
guère ; on ajoutera la grand-mère dont l’esprit part divaguant et qu’on
songe à placer en EHPAD, selon la terminologie française.
Nonobstant la première séquence explosive (il faut arriver à
l’heure), mais à la marge dans le scénario, ce sont les deux ados, cousin et
cousine, qui vont provoquer la descente familiale aux enfers. Un soir, après
avoir bu pas mal d’alcool dans une soirée entre jeunes, tous deux sur le chemin
du retour vont asséner moults coups de pied à un SDF qui n’en ressortira pas
vivant. Les caméras de surveillance ont filmé la scène. Les parents découvrent
l’horreur sur les réseaux sociaux, mais les deux jeunes ne sont pas identifiés
par la police. Faut-il les dénoncer, quitte à les envoyer en prison, ou faire
comme si de rien n’était, et espérer que les deux cousin-cousine deviennent des
adultes responsables ? Telle est la question, aurait dit Shakespeare.
On ne dévoilera, ni le chemin emprunté par l’évolution de la
réflexion de chacun des deux frères, ni le final. Ce film sort au moment du
meurtre gratuit d’une adjointe d’éducation dans un collège, par un jeune de 14
ans, crime gratuit puisque sans raison apparente. Plus largement, il pose la
question de la perte de valeurs, le non respect de la vie humaine dans une
partie de la jeunesse actuelle, et ce quel que soit le pays, où les réseaux
sociaux, les discours de l’extrême droite, génèrent la haine de l’autre, haine de
l’immigré, de la femme, du pauvre, du handicapé, plus généralement haine de
celui ou celle qui est différente, que ce soit par la couleur de la peau ou l’orientation
sexuelle. Et le plus souvent, haine de celui qui possède, vis-à-vis de l’autre,
celui ou celle qui ne possède pas, qui n’est pas dans la norme. L’actualité aux
Etats-Unis est à cet égard l’exemple le plus fort.
Hur Jin-ho,
entouré d’une équipe d’actrices et d’acteurs remarquables, avance ses pions prudemment,
mettant en place les éléments du scénario conduisant au drame final. Tantôt
caméra fixe, parfois à l’épaule en gros plan, au montage particulièrement
adroit, voilà un film qui s’adresse à un public large, notamment la jeunesse
adolescente. Ce film est un peu à l’opposé de « Parasite », Palme d’Or
à Cannes en 2019, où Bong Joon-ho, l’immense cinéaste sud-coréen, filme une
famille démunie, mais maligne à tous points de vue, sachant construire un
stratagème sur le dos des riches.
Allez, un dernier indice : la scène initiale ressemble
trait pour trait à la scène finale, c’est presque du copié-collé.
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