jeudi 12 juin 2025

"A Normal Family" : quand un film sud-coréen bouscule l'actualité

Il arrive quelquefois qu’un film sorti sur les écrans depuis quelques jours, vienne heurter l’actualité de plein fouet, et par le plus grand hasard. Il en est ainsi de « A Normal Family », du réalisateur sud-coréen Hur Jin-ho, peu connu en France, film sorti sur les écrans en 2023 et le 11 juin dernier en France. On se demande d’ailleurs bien pourquoi il aura fallu attendre deux années pour qu’il soit projeté dans les salles de l’hexagone.

Le scénario est adapté du roman « le Dîner » de l’écrivain néerlandais Herman Koch, paru en 2009 et traduit ensuite en 33 langues (parution en France en 2011), best-seller mondial.

On se doute, à la lecture du titre, que cette famille à première vue « normale » (il faudra attendre le générique de fin pour voir ses sept membres poser devant un photographe, tout souriants), va brutalement exploser. Soit deux frères : l’un, avocat très connu, marié avec une jeune épouse qui vient de donner naissance à un bébé, et une ado d’un premier mariage préparant son entrée à l’université ; l’autre, chirurgien de renom, marié, un ado au foyer en butte à du harcèlement au lycée ; les deux épouses n’ont pas d’emploi, nous sommes en Corée du Sud, et ne s’apprécient guère ; on ajoutera la grand-mère dont l’esprit part divaguant et qu’on songe à placer en EHPAD, selon la terminologie française.

Nonobstant la première séquence explosive (il faut arriver à l’heure), mais à la marge dans le scénario, ce sont les deux ados, cousin et cousine, qui vont provoquer la descente familiale aux enfers. Un soir, après avoir bu pas mal d’alcool dans une soirée entre jeunes, tous deux sur le chemin du retour vont asséner moults coups de pied à un SDF qui n’en ressortira pas vivant. Les caméras de surveillance ont filmé la scène. Les parents découvrent l’horreur sur les réseaux sociaux, mais les deux jeunes ne sont pas identifiés par la police. Faut-il les dénoncer, quitte à les envoyer en prison, ou faire comme si de rien n’était, et espérer que les deux cousin-cousine deviennent des adultes responsables ? Telle est la question, aurait dit Shakespeare.

On ne dévoilera, ni le chemin emprunté par l’évolution de la réflexion de chacun des deux frères, ni le final. Ce film sort au moment du meurtre gratuit d’une adjointe d’éducation dans un collège, par un jeune de 14 ans, crime gratuit puisque sans raison apparente. Plus largement, il pose la question de la perte de valeurs, le non respect de la vie humaine dans une partie de la jeunesse actuelle, et ce quel que soit le pays, où les réseaux sociaux, les discours de l’extrême droite, génèrent la haine de l’autre, haine de l’immigré, de la femme, du pauvre, du handicapé, plus généralement haine de celui ou celle qui est différente, que ce soit par la couleur de la peau ou l’orientation sexuelle. Et le plus souvent, haine de celui qui possède, vis-à-vis de l’autre, celui ou celle qui ne possède pas, qui n’est pas dans la norme. L’actualité aux Etats-Unis est à cet égard l’exemple le plus fort.

Hur Jin-ho, entouré d’une équipe d’actrices et d’acteurs remarquables, avance ses pions prudemment, mettant en place les éléments du scénario conduisant au drame final. Tantôt caméra fixe, parfois à l’épaule en gros plan, au montage particulièrement adroit, voilà un film qui s’adresse à un public large, notamment la jeunesse adolescente. Ce film est un peu à l’opposé de « Parasite », Palme d’Or à Cannes en 2019, où Bong Joon-ho, l’immense cinéaste sud-coréen, filme une famille démunie, mais maligne à tous points de vue, sachant construire un stratagème sur le dos des riches.

Allez, un dernier indice : la scène initiale ressemble trait pour trait à la scène finale, c’est presque du copié-collé.

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