Créée au Printemps des Comédiens de Montpellier en juin 2022, la pièce de Sophocle, « Œdipe roi », mise en scène par Éric Lacascade, est recréée avec une nouvelle équipe de comédiens et comédiennes, et programmée en cet autre printemps à la Scala de Paris. Théâtre récent, réouvert en 2018, et qui a donné naissance à un petit frère (ou soeur comme on voudra) en Avignon en 2022.
« Œdipe roi » du dramaturge grec est considérée
selon les versions, comme la tragédie des tragédies, ou la mère des tragédies.
Assurément, un monument tragique ! Un oracle avait prédit que cet enfant
devenu adulte tuerait son père Laïos et coucherait avec sa mère Jocaste, et que
des enfants (dont Antigone) nés de cet inceste adviendraient des crimes
épouvantables. L’oracle avait évidemment raison.
Une arène en demi-cercle sur le plateau, allégorie du
taureau devant être mis à mort, le sang coulera au final des yeux d’Œdipe. On
sait qu’Éric Lacascade s’est inspiré du texte de Bernard Chartreux en puisant
dans une bonne dizaine d’autres traductions, pour au final en faire un texte
d’une remarquable limpidité, on n’y décèle ni longueurs, ni phrases superflues.
Une équipe d’acteurs et actrices au diapason du texte,
emmenée par Christophe Grégoire dans le rôle d’Œdipe, exceptionnel, passant du
refus d’accepter les paroles du devin Tirésias (Alain d’Haeyer) à la reconnaissance de ses crimes, faisant
jaillir dans un tourbillon ses émotions et son sang, Karelle Prugnaud, une Jocaste
dansante, aimant son mari et dévouée aux dieux, mais sans trop en faire, avec
un chœur antique composé de l’impressionnant Alexandre Alberts, et la très juste Jade Crespy,
tous deux descendant des travées du théâtre, après que Christophe Grégoire eut
interpelé la salle, demandant au public si quelqu’un avait une déclaration à
formuler. Manière de briser ce qu’on appelle le 4ème mur au théâtre,
prenant le public à témoin de la tragédie.
On retiendra ça et là, quelques répliques qui s’appliquent à la
situation sociale et politique d’aujourd’hui. Sophocle était-il un devin, ou
les traducteurs ont-ils fait preuve de quelque audace. A moins que ce ne soit
l’idée d’Éric Lacascade lui-même, dont la direction d’acteurs et la mise en
scène forment un ensemble lumineux dont devrait s’inspirer tout futur homme ou
femme de théâtre.