« Pétrole » est un ensemble de notes écrites par Pier Paolo Pasolini, dans les premières années 1970, avant qu’il ne soit assassiné en 1975 sur une plage, sans doute par l’extrême-droite italienne. Ce texte est donc largement inachevé. Il a été publié à titre posthume en 1992, et en français en 1995. Il subsiste environ 600 notes sur un projet de 2000. C’est ce texte que Sylvain Creuzevault a adapté et mis en scène, et qui est présenté à l’Odéon en cette fin 2025. Evidemment, le metteur en scène n’a repris qu’une petite partie de ces notes, une quarantaine il me semble.
D’emblée, nous sommes sur le tarmac d’un aéroport. On vient
de découvrir le cadavre d’un certain Carlo, on pense inévitablement à la mort
de Pasolini sur une plage. Toute la pièce de près de trois heures aura Carlo
comme pivot central, on rembobine donc. Les Saints vont le ressusciter et nous
offrir deux Carlo, le premier responsable d’une entreprise pétrolière, enrôlé
plus tard au sein du gouvernement démo-chrétien, le second homosexuel et adepte
des situations pornographiques.
Avec une équipe d’une dizaine d’acteurs et actrices, les scènes se succèdent, alternant les Carlo 1 et les Carlo 2. Des premières émerge ce qu’était la vie politique dans ces années-là en Italie, les leaders démo-chrétiens étant inféodés à la Mafia italienne. Les performances réalisées par cette équipe de comédiens sont absolument exceptionnelles, notamment Sharif Andoura, lequel confirme qu’il est bien actuellement un des plus grands acteurs français.
On retiendra cette scène où les quatre démo-chrétiens (dont
Carlo) sont réunis autour d’une table et décident de l’avenir de l’Italie, une
femme derrière eux, lunettes noires, intervenant par moment en direction du
public, représentant Pasolini lui-même, expliquant les tenants et aboutissants.
Autre scène forte, on est en Syrie, Carlo veut obtenir un
contrat en faveur de son entreprise pour l’extraction du pétrole. Une femme, en
retrait, intervient soudainement et renvoie les européens à leur histoire, celle
de massacres coloniaux, celle des fours crématoires.
Le tout sur le plateau de l’Odéon, mais retransmis sur écran géant, méthode de plus en plus utilisée aujourd’hui par les plus grands metteurs en scène de théâtre. La première partie (avant l’entracte) se déroulant en dehors du plateau, donc complètement en vidéo.
On ressort de l’Odéon scotché, bouleversé, par ce spectacle
intense, hors du commun, quelque peu terrifiant à l’idée qu’on a vu, là, ceux
qui dirigent le monde.



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