samedi 15 décembre 2018

Une peinture artistique, humaine, sociale...

Hirokazu Kore-Eda avec « une Affaire de famille » a obtenu la Palme d’or au dernier Festival de Cannes, après un Prix du Jury en 2013 pour « tel père tel fils » et un Prix d’interprétation masculine en 2004 pour « Nobody Knows », que je n’ai pas vu.

« Une Affaire de famille », ou « Vol à l’étalage en famille », titre originel en japonais, réunit le père, travaillant dans le bâtiment, mais, le balai en main, n’a pas l’air de faire grand-chose : victime d’une entorse, il finit par rester à la maison ; la mère, ouvrière dans un pressing, rend service à une collègue en pointant à sa place, mais n’en sera pas récompensée lors d’une compression de personnel ; une grande fille qui s’adonne à la prostitution dans une sorte de peep-show, sans relation sexuelle semble-t-il ; un jeune garçon, qui ne va pas à l’école car dit-il, « ce sont ceux qui apprennent mal qui y vont » ; enfin la grand-mère (Kirin Kiki, actrice fétiche de Kore-Eda et surtout qu’on a vue éblouissante dans « les Délices de Tokyo » de Naomi Kawase , malheureusement aujourd’hui décédée).

Ce petit monde vit au milieu des immeubles, dans une maison de plain-pied, vaste néanmoins, dans un capharnaüm indescriptible. Leur passe-temps favori consiste à voler dans les magasins, surtout la nourriture, au moyen de combines qui prêtent à sourire, les plus grands éduquant les plus jeunes à ce sport délictueux, mais essentiel pour survivre quand on n’a pas ou peu d’argent. La famille recueille un soir, une toute petite fille de cinq ans, parlant peu et mal, ayant quitté sa vraie famille on ne sait comment, victime de coups, où elle était en trop.

Dans sa nouvelle famille, « et c’est plus fort qu’on puisse choisir ses parents » entend-on, on s’occupe d’elle, on la nourrit, on la couve. La scène où la grand-mère utilise une vieille recette pour qu’elle ne fasse plus pipi au lit est délicieuse. Mais on lui apprend aussi à voler comme aux autres. Ces gens-là sont adorables, même s’ils vivent en marge de la loi. Pas un cri plus haut qu’un autre, Kore-Eda nous livre un film d’une douceur absolue, sorte d’impressionnisme cinématographique qui permet au spectateur de se sentir heureux, bienveillant envers ceux qui ont peu, et surtout qui n’ont pas réussi à s’intégrer dans cette société où seuls les guerriers, les winners réussissent.

Mais peu à peu, on sent que les rapports ne sont pas clairs, le garçon refusant d’appeler son père, « papa ». On finira par apprendre que la famille est composée d’éléments rapportés, provenant de divers horizons. Le garçon n’étant pas le fils de ses parents, ce qui rappelle ainsi « Tel père tel fils », Kore-Eda semble nous dire que le milieu social dans lequel on a été éduqué en bien ou en mal, influe moins que l’origine biologique, génétique. C’est là où il est permis de s’interroger, voire d’exprimer son désaccord avec le réalisateur nippon. Cela, il faut le dire !

Nonobstant quelques films de la sélection officielle non vus, si « une Affaire de famille » doit être classée vers le haut par la peinture artistique, sociale, humaine que nous propose Kore-Eda, je persiste à penser que « Burning » du réalisateur coréen Lee Chang dong aurait dû être couronné par la Palme. Ce fut d’ailleurs l’avis d’un jury de critiques internationaux qui lui remit le prix Fipresci.

Notons aussi avec une grande satisfaction, le Prix Louis Delluc 2018, considéré comme le Goncourt du cinéma français, attribué à « Plaire aimer et courir vite » de Christophe Honoré, en lice aussi en sélection officielle à Cannes, devançant de peu « la Douleur », d’Emmanuel Finkiel. Deux films qui font honneur au cinéma français que j’ai commentés ici, et qui ne versent pas dans la démagogie commerciale.

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