Second film présenté à Cannes et projeté en France, « Plaire, aimer et courir vite » de Christophe Honoré qu’on avait quitté en 2015 avec « les Malheurs de Sophie » qui nous avait ravis.
Honoré nous replonge dans les années Sida, nous sommes en 1993, la sale bête décime la communauté homosexuelle. Jacques, aux alentours des 35 ans, est écrivain, vit à Paris avec son jeune fils Louis qu’on surnomme Loulou, et voit la mère du jeune garçon de temps en temps. Dans le même immeuble, il y a Mathieu, plus très jeune. Quant à Marco, qui vient vivre parfois chez Jacques, il se trouve en phase terminale.
Au cours d’un voyage en Bretagne où Jacques doit animer une conférence, il rencontre Arthur, beau comme un dieu. Ils tombent amoureux l’un de l’autre, Arthur plongeant à son tour vers Paris. Telle est la communauté que nous propose Christophe Honoré, qui se nourrit de la lecture de B-M Koltès, lui aussi mort du Sida quelques années auparavant.
Christophe Honoré nous fait partager la vie des cette jeunesse où chacun vit comme il peut, sachant pour certains que la vie sera courte, alors autant en profiter car il faut courir vite avant que de passer de l’autre côté. J’avoue que pendant la première heure, le film ne m’a pas emballé plus que cela : sans doute faut-il faire plus ample connaissance pour s’attacher à ces personnages !
On pense inévitablement à « 120 battements par minute », la communauté est la même, l’époque aussi, la problématique identique, mais la jeunesse est différente. Dans 120 BPM, on se bat avec Act-Up pour faire avancer la recherche au plus vite, on mène des actions spectaculaires, on jouit et on meurt aussi. Dans « Plaire… », on ne se bat pas, on s’aime, on se plaît, on attend que la mort vienne « qu’est-ce qu’on irait faire à une AG d’Act-Up ? » entend-on dire… Deux manières d’affronter le monde, deux conceptions de la vie, deux idéologies peut-être… Deux jeunesses tout aussi respectables, même si la première me semble plus séduisante dans son combat pour la vie.
Quoi qu’il en soit, une fois la relation étable entre le public et les personnages du film de Ch. Honoré, l’empathie saisit le spectateur vis-à-vis de cette jeunesse perdue, un sentiment de compassion nous submerge lorsque la mort survient laissant les amis désemparés. C’est un magnifique portrait que brosse Ch. Honoré, plein de finesse, avec quelques instants de grande beauté lorsque Jacques, dans sa baignoire, imagine la présence de Marco à ses côtés. Et puis, cette dernière image, quand Arthur attend près d’une cabine téléphonique la sonnerie qui ne viendra pas, allégorie de la vie qui s’en va dans ce monde sans issue.
Ch. Honoré a réuni un trio d’acteurs remarquables, Denis Podalydès en Mathieu, un peu bougon, sorte de père pour Jacques, Vincent Lacoste dans le rôle du bel Arthur qui veut vivre sa vie à pleines dents, et surtout, Pierre Deladonchamps qui incarne à la perfection un Jacques maître de son avenir face à la maladie, terriblement vrai en père célibataire, rayonnant dans un film où on notera la beauté lumineuse des dialogues.
Christophe Honoré fait honneur au cinéma français d’auteur, comme d’habitude d’ailleurs !
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