jeudi 25 janvier 2018

Un amour peut-il survivre au-delà de la douleur ?

Emmanuel Finkiel, avec « la Douleur » d’après le texte éponyme de Marguerite Duras, a sans doute créé un des films les plus forts de ces derniers temps. Avec 120 bpm, ils honorent le cinéma français !

Texte autobiographique de Marguerite Duras, écrit en 1944/1945 quand son compagnon, résistant, est arrêté et envoyé en camp de concentration d’où il ne reviendra à Paris que dans un état proche de la mort, la veille de la capitulation de l’Allemagne. Dans ce texte que Duras ne retrouve que beaucoup plus tard, des pages décrivent l’état squelettique des survivants, pages impossibles à transcrire au cinéma. Néanmoins, de larges extraits du texte de Duras sont dits en voix Off par Mélanie Thierry, qui augurent de pages magnifiques, avec des formules choc, quand elle associe Paris à l’oubli lors de la Libération, et qu’elle ferme ses volets car elle ne peut crier sa joie, ni oublier. On sait d’ailleurs que les vrais résistants, pas ceux de la 25ème heure, ceux qui avaient perdus tant de camarades, n’avaient pas le cœur à faire la fête.

Mélanie Thierry qui interprète le rôle de Marguerite Duras est exceptionnelle, tant elle écrase littéralement le long métrage de plus de deux heures, sans pratiquement quitter l’écran. On la savait excellente depuis « Ombrine », la voilà carrément hors normes ! Dans son attente douloureuse, se demandant s’il est encore en vie, persuadée qu’il l’est, puis doutant, apportant son aide à cette voisine dont la fille est partie à Dachau et qui croit, et qui croira toute sa vie qu’elle va revenir, enfin lorsqu’elle aperçoit cet être décharné porté dans la rue à bout de bras, elle crie son refus de le revoir dans une scène où fatalement les mouchoirs sont de sortie. La douleur est là : comment encore aimer un homme qui n'est plus physiquement un être humain, tel que Duras le décrit dans son texte ?

Tiraillée entre trois hommes, son mari qu’elle attend, Dyonis son amant (Benjamin Biolay dans un rôle tout en retenue, marquant un profond respect pour Marguerite), et Philippe, membre de la Gestapo dont elle tente d’arracher des nouvelles de son mari, dans un jeu à double entrée (Benoît Magimel jouant le rôle du salaud), Mélanie Thierry hésite, s’interroge, tente le diable dans une sorte de pas de trois chorégraphique.

Emmanuel Finkiel a su reconstituer cette année terrible où la France a basculé, de l’occupation à la libération, où Duras n’est pas dupe vis-à-vis des nouveaux responsables gaullistes, impeccables sur leur apparence, qu’elle qualifie de nouvelle occupation.

Un film qui marque le spectateur jusqu’au tréfonds de son âme…

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