vendredi 10 février 2017

Du cinéma à la danse contemporaine

Si même la Comédie Française a recours à la vidéo, et pas qu’un peu (la Règle du jeu de Jean Renoir, ces jours-ci, débute par une vidéo de 26 mn !), la danse contemporaine ne saurait être en reste, et doit forcément garder plusieurs longueurs d’avance sur le théâtre. Avec Lucy Guérin, on est servi !

La chorégraphe Lucy Guérin, australienne de naissance, parcourt le monde en présentant ses créations, ceci depuis la fin des années 80. Elle n’oublie pas la France : lauréate au concours de Bagnolet en 1996 pour « Incarnadine », elle a créé « Black Box » à l’Opéra de Lyon en 2013. Elle présentait à Orléans, cette semaine, « Motion Picture » avec six danseurs, deux hommes, quatre femmes.

S’il m’est arrivé de voir des choses surprenantes en danse contemporaine, je dois avouer que je n’avais jamais vu quelque chose d’aussi déstabilisant. Sur scène, six danseurs devant un écran. Ajoutez-y un second écran situé au fond de la salle sur lequel est projeté un film sorti en 1950, en Noir et Blanc, en anglais sans sous-titrage, dont le titre énigmatique est D.O.A., traduit en français par « Mort à l’arrivée ». C’est un polar américain où la victime enquête sur son propre meurtre. On connaissait le roman d’Agatha Christie ou le meurtrier était le narrateur. Tout cela aussi est dépaysant !

Comme on ne dispose pas de sièges tournants, et qu’on est dos au film projeté, on a évidemment envie de se retourner de temps en temps pour savoir ce qui se passe derrière soi. Et gare au torticolis !

Des les premières images du film, sur le plateau que Lucy Guérin met à nu, les danseurs interprètent très fidèlement les attitudes des personnages du film, en mimant très précisément chaque geste, la bouche articulant chaque phrase dite dans le film. Peu à peu, ils vont s’éloigner des gestes des acteurs, dans un jeu de déconstruction de l’image et de reconstruction chorégraphique sur le plateau. Seuls restent du film, pour les spectateurs du moins, les dialogues et la musique, lesquels accompagnent les danseurs toujours face au film, dans des chorégraphies vives et alertes.

L’ensemble est un peu long (1 heure 23, la durée du film), mais l’exercice est intéressant. Lucy Guérin choisit de nous cacher le film. Qu’en serait-il si un écran le projetant se trouvait face aux spectateurs. Leurs regards n’auraient-ils pas tendance à se focaliser sur les acteurs et délaisser les danseurs ? C’est fort possible.

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