mardi 13 novembre 2018

Trois amours impossibles

Christine Angot, écrivain et chroniqueuse vedette de télévision, personne clivante s’il en est, est l’auteure d’un roman quasi autobiographique publié en 2015, « Un Amour impossible », couronné par le Prix Décembre la même année. Roman que j’ai lu et qui m’a enchanté tant par le style que par les sujets abordés, ceux d’une famille qui n’existe pas pour reprendre le propos de la jeune fille, entre un père absent et incestueux et une mère qui ne voit rien. Auparavant, j’avais assisté à la représentation de la pièce éponyme de Célie Pauthe, Directrice du CDN de Besançon, avec Bulle Ogier et Maria de Medeiros en juin dernier, que j’ai commenté ici.

A croire que ce roman décrié par certains, donne des idées à d’autres puisque Catherine Corsini vient de réaliser une adaptation cinématographique sortie cette semaine dans les salles. Le roman s’étalant sur quarante années, si Célie Pauthe a choisi d’en cerner une partie  avec deux actrices, la mère et la fille, Corsini tente le pari de suivre quasiment à la lettre le roman d’Angot. Il fallait pour cela dénicher une actrice tenant le rôle de la mère, allant de 26 ans à près de 70. C’est Virginie Efira, particulièrement grimée vers la fin, qui incarne la mère, avec beaucoup de réalisme, de tendresse pour sa fille, alternant les moments de volupté, de soupçons et de désespoir. C’est en tous points remarquable d’autant plus que la chose ne pouvait apparaître comme évidente. Quatre comédiennes incarnent la fille prénommée Chantal dans le film, mais on sait qu’il s’agit de Christine. Chantal ado, c’est Estelle Lescure, jeune fille adorant son père, délaissant sa mère, puis brisée mentalement. Chantal adulte, c’est une formidable Camille Berthomier au visage d’une force et d’une expressivité incroyables, et des yeux qui vous sidèrent : quelle actrice ! Quant au père, le rôle a été confié à Niels Schneider, sans doute un peu trop réservé dans son interprétation.

Le sommet est sans doute atteint lors de la dernière scène, des années plus tard, lorsque mère et fille se retrouvent dans un bar après des années de rejet, où les ressentiments de l’une et de l’autre sont mis sur la table. Un grand face à face maternel !

Christine / Chantal à sa mère : -- Tu as raison de dire que tu as été rejetée. C’est une vaste entreprise de rejet. Social, pensé, voulu. Organisé. Et admis. Par tout le monde. Toute cette histoire c’est cela. Et jusqu’à la fin. Y compris avec ce qu’il m’a fait à moi. C’est quelque chose qu’il t’a fait à toi aussi, avant tout. C’est la continuation de ce rejet. Pour humilier quelqu’un, le mieux c’est de lui faire honte, tu le sais. Et qu’est-ce qui pouvait te rendre plus honteuse que ça, que de devenir, en plus de tout le reste, alors même que tu penses être sorti du tunnel, la mère d’une fille à qui son père a fait ça ? Tu as été rejetée en raison de ton identité maman. Pas en raison de l’être humain que tu étais. Pas de ceux qui étaient là. Pas de la personne que tu étais. Et ce rejet allait jusqu’à faire ça à sa fille. Ça été jusque-là. Ça été loin. Tout ça s’inscrivait dans une même logique. (Christine Angot)

Long de deux heures quinze, le film suit pas à pas le roman, sans temps mort, de manière linéaire, d’où la performance qu’il faut saluer. Enfin, la caméra étant confiée à Jeanne Lapoirie, on ne pouvait qu’attendre un petit bijou au niveau des images. Chapeau !

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