dimanche 3 juin 2018

Angot, Pauthe, Ogier et Medeiros, un quatuor haut de gamme.

Christine Angot publie en 2015, « Un Amour impossible », roman autobiographique aussitôt adulé par certains, puisqu’il reçoit le prix « Décembre », traîné dans la boue par d’autres, essentiellement la Droite française, laquelle n’aime pas l’essayiste qui a le tort à ses yeux de faire bouger les lignes de la bien-pensance bourgeoise.

Célie Pauthe, Directrice du CDN de Bezançon, après avoir lu le texte d’Angot, éblouie par l’écriture, a décidé de l’adapter pour le théâtre, ce qu’elle a fait sous la direction de l’auteure.

Christine Angot raconte une partie de sa vie et de celle de sa mère, élevant seule sa fille, le père d’un milieu bourgeois refusant le lien familial. Bien plus tard, les deux femmes retrouvent le père, lequel viole sa fille, la mère refusant de voir, de parler et dénoncer, muette devant l’horreur.

Dans une sorte de préambule, la mère alors très âgée et sa fille apprennent le décès de l’homme, la mère refusant d’aller aux obsèques, la mort de son ex compagnon ne lui procurant aucune émotion, les larmes ayant coulé autrefois. La fille aimerait bien y aller, peut-être pour crier qu’elle a été violée par son père étant enfant, mais pas seule.

Célie Pauthe nous propose ensuite une montée en gamme de flashs, de l’enfance de la petite, quand elle ignorait qui était son père, la première rencontre, ses retours chez sa mère racontant que ça se passait mal, jusqu’au coup de téléphone apprenant à la mère les viols répétés, et au final, sans doute le moment le plus fort, la discussion entre la mère et la fille devenue grande, cette dernière interrogeant sa mère afin de savoir pourquoi elle ne l’a pas protégée, pourquoi elle s’est tue, les raisons de leur séparation après la naissance, assénant à sa mère qui avait refusé un autre amant : « Tu voulais quelqu’un de méchant ! ».

La mère, c’est Bulle Ogier qui approche des quatre-vingts, encore en forme pour avoir l’année passée « tenu » un mois à Berthier avec le même spectacle. On voit bien que les ans passent quand elle danse ou se déplace. Mais quelle santé, bon dieu !

La fille, c’est Maria de Medeiros, portugaise, vivant en France le plus souvent, comédienne sur les planches, au cinéma, et n’hésitant pas à se placer derrière la caméra jusqu’à présenter un long métrage en compétition officielle à Cannes en 2000. Face à Bulle Ogier, elle est exceptionnelle, en petite fille, sautant, dansant, à la voix enfantine, puis adolescente, enfin adulte dans un dernier affrontement avec sa mère, capable de faire jaillir sur la scène les sentiments les plus divers, le bonheur, la joie, mais aussi la rage, la haine, et le rejet de ses géniteurs. Une très grande actrice assurément !

Un grand texte, une diction parfaite, cela devient rare, et une grande metteure en scène. Du théâtre très haut de gamme !

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