vendredi 11 novembre 2022

Un jeune qui veut devenir artiste peintre et non pas Président !

Pour son récent film en sélection officielle à Cannes, James Gray nous a offert une petite merveille autobiographique, « Armageddon Time ». L’Armageddon en religion, c’est la lutte du bien contre le mal lors de l’Apocalypse ; en langage courant, c’est la bataille finale ; au jeu d’échecs, lors d’un match, quand aucun des deux joueurs ne parvient à battre son adversaire, c’est la partie finale, le joueur ayant les Blancs possédant une minute de temps supplémentaire, mais étant obligé de gagner : si partie nulle, c’est le joueur ayant les Noirs qui est déclaré vainqueur. Sorte de départage aux penaltys !

Dans ce long métrage situé dans le Queens de New York, nous sommes mis en présence d’une famille de confession juive sur trois générations, dont les ascendants ont quitté l’Ukraine dans les années 1920 devant les pogroms, famille qui s’est enrichi par le travail. Je plus jeune, Paul (Banks Repeta), au collège, est un doux rêveur, pitre plus qu’il ne faut, et avec une volonté farouche, celle de devenir artiste peintre. Ce qui, nous sommes en 1980, avec l’arrivée de Reagan à la Maison Blanche au grand effarement de la famille, n’est pas dans l’air du temps, surtout que le jeune Paul est envoyé dans une école privée où le racisme imprègne tout un chacun, et où l’on inculque l’idée aux jeunes qu’ils devront plus tard être les décideurs, patrons, sénateurs ou Président. Voilà qui ne colle pas avec les envies de Paul. D’autant que dans son ancien collège, il s’est trouvé un copain (Jaylin Webb) qui redouble, noir de peau, tous deux se construisant un avenir dans la Nasa en Floride : l’imagination à cet âge est sans limite !

Alors, il y a le grand-père (Anthony Hopkins), né en Ukraine, adorable envers son petit-fils, sachant lui parler, le mettre en confiance, réparant les erreurs des parents. Et puis la mère (Anne Hathaway), déléguée des parents d’élèves, qui est la seule à tenter de faire entendre à son fils, les règles de la vie en société. Quant au père (Jeremy Strong), plombier de son état, entre le laisser-aller et la violence envers son fils, il se montre incapable d’assumer ses responsabilités familiales.

James Gray nous offre des moments superbes, en exemple le dîner familial avec les trois générations, et Paul qui n’aime pas le repas préparé par sa mère et qui commande au téléphone des plats chinois : c’est absolument délicieux à tous les sens du terme !

On pourra néanmoins regretter quelques clichés dont on aurait pu se passer, mais sans aucun doute vrais, tels le père plombier qui fait fausse route dans l’éducation de son fils (parce qu’il est plombier ?), le copain noir de Paul qui se retrouve en prison (parce qu’il est noir ?), ou la famille Trump (eh oui !) qui subventionne l’école privée où Paul se retrouve, et qui tient un discours prémonitoire sur ce qu’est devenue l’Amérique aujourd’hui.

Mais voilà un film essentiel pour comprendre l’évolution de ce pays, et qu’il faut s’empresser d’aller voir, même uniquement pour l’interprétation exceptionnelle de Banks Repeta dans le rôle de Paul, son sourire magnifique sur un visage d’ange ! Pas étonnant qu’il ait été plus ou moins boycotté de l’autre côté de l’Atlantique. Cela me rappelle « La Porte du Paradis » de Michael Cimino : quand on leur met leur histoire devant les yeux, les Américains détournent le regard.

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