mercredi 16 novembre 2022

La Polynésie dans tous ses états

 Albert Serra est un cinéaste un peu à part, on se souvient de « La mort de Louis XIV » en 2016 avec un Jean-Pierre Léaud extraordinaire.

Avec « Pacifiction : tourment sur les îles » d’Albert Serra, en compétition officielle au festival de Cannes, nous sommes transportés sur l’île paradisiaque de Tahiti, territoire français, que cela plaise ou non à nous autres de la métropole ou aux habitants insulaires du Pacifique. Enfin, c’est comme ça !

Règne en maître le Haut-Commissaire (Benoît Magimel exceptionnel dans son interprétation), tout de blanc vêtu comme un prince, baratineur, enjôleur, hâbleur, malin quand il le faut, sachant manier la menace face à ceux qui pourrait perturber sa quiétude, et s’assurant le soutien des élus à qui il rend des services afin qu’ils soient réélus. Donnant donnant ! Accompagné souvent par une autochtone, jeune femme type mannequin, dont on ne parvient pas à savoir pour qui elle travaille. Peut-être pour elle-même.

Albert Serra distille des éléments perturbateurs tout au long des deux heures quarante cinq du film. Ce sont ces rumeurs de reprises d’essais nucléaires, auxquels seuls une poignée de locaux croient et redoutent, au point d’envisager des manifestations, qu’on ne verra jamais. Un portugais à qui on dérobe son passeport et qui le retrouve comme par miracle. Et d’autres qui tournent en rond, qui observent, semblent fomenter quelque chose, et tout aussi inoffensifs. Ces jeunes femmes qui partent en mer à la nuit tombante, vers un sous-marin dont on doute de la réalité. Enfin, cet amiral, (Marc Susini), à la mine bon enfant, danseur jusqu’au bout de la nuit, mis en garde par le haut-commissaire contre une éventuelle agression, mais qui au final va se révéler digne du docteur Folamour.

Paysages extraordinaires que filme Albert Serra, sur terre, en mer, et même par avion. Enfin, quelque chose de phénoménal, ces bateaux pour touristes qui affrontent de face d’immenses vagues qui déferlent. Albert Serra a réalisé un film de très haute tenue, où l’histoire importe peu, qu’on aurait aimé voir au palmarès du festival, soit avec un Prix d’interprétation pour Benoît Magimel, soit un Prix artistique (il suffit de le créer) afin de marquer la beauté chorégraphique de l’œuvre que Gauguin aurait aimée.

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