Le metteur en scène portuguais Tiago Rodrigues, futur Directeur du Festival d’Avignon, met en scène « Dans la mesure de l’impossible », témoignages vrais et non frelatés d’humanitaires, au CDN d’Orléans, du 15 au 17 mars.
Peut-on faire théâtre de tout ? C’est une question qui revient régulièrement dans les conversations. Des metteurs en scène répondent affirmativement à cette question, on citera Milo Rau qui n’hésite pas à mettre sur scène les faits divers les plus sordides. Tiago Rodrigues est de ceux-là manifestement. Le travail des humanitaires n’est pas un sujet facile, et pourtant les deux heures passées, le public ne peut que saluer une vraie réussite théâtrale à partir de ces témoignages recueillis par le metteur en scène.
On sait que Tiago Rodrigues, après avoir rencontré des dizaines d’humanitaires de diverses nationalités, les avoir enregistrés, en a retenu plusieurs qu’il a transmis à ses quatre comédiens (deux hommes, deux femmes). Ces derniers nous les restituent sur scène, et parfois on a le sentiment qu’au travers de leurs discours, pointent les vrais témoignages tels qu’ils ont été recueillis, avec leurs émotions, leurs douleurs qui rejaillissent à fleur de peau, on oublie alors qu’ils sont artistes.
Sur le plateau, une immense tente de bédouins, laquelle s’ouvrira peu à peu, au fur et à mesure où nous découvrirons la vérité, celle de l’aide humanitaire et celle de la souffrance, livrant à notre vue un batteur (Gabriel Ferrandini) dont la musique métaphore le canon.
Aucun nom de lieu, de ville, de pays, de continent ou de dictateur ne sera prononcé, nous ne sommes pas dans le documentaire, mais au théâtre, nuance ! Le monde est divisé en deux chez Tiago, le possible et l’impossible. Ce dernier qu’on ne peut pas nommer, on aurait pu le définir comme l’indicible, le chaos du monde, sachant que tel pays peut passer de l’un à l’autre en si peu de temps et inversement. On pense alors à l’Ukraine et ses désolations.
Les quatre comédiens s’adressent exclusivement au public et ne dialoguent pratiquement pas entre eux, ce qui d’une part peut surprendre, mais qui s’explique par le fait que leurs témoignages qu’ils rapportent sont indépendants les uns des autres et ne s’entrechoquent pas. Quant à en retenir un seul parmi tous, peut-être le dernier parce qu’il clôt le spectacle, mais aussi par cette mère dont l’enfant vient de mourir, essuyant le sang de son fils qui a taché la blouse de l’infirmière. Emouvant !
Les témoignages affluent, et montent en intensité, Tiago Rodrigues s’arrêtant au bord du gouffre de l’horreur. Certains offrent des notes d’espoir, d’autres apportent une vraie émotion, quelques autres interpellent. On est ici fort éloigné de ces guignols, tel chargé d’un sac de riz ou tel autre parcourant Odessa tout sourire, évidemment sous l’œil des caméras fort complaisantes.
Quant au metteur en scène qui avait ébloui la Cour d’Honneur en Avignon en juillet dernier et l’Odéon encore récemment avec la Cerisaie de Tchekhov, il s’affirme avec ce spectacle comme un des principaux metteurs en scène européens. Bienvenue en Avignon en juillet 2023 !
Créé à Genève en février, passé par Rennes et Châteauroux, le spectacle est amené après Orléans à effectuer un tour de France qui le conduira en octobre à l’Odéon après quelques incursions en Italie et au Portugal.
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