mercredi 9 février 2022

Un Tartuffe d'aujourd'hui au Français


La mise en scène de «Tartuffe ou l'hypocrite » par l’homme de théâtre belge Ivo Van Hove fera date à la Comédie française : d’abord parce qu’il s’agit de la première version, celle de 1664 aussitôt interdite par Louis XIV, ensuite car elle n’a plus grand-chose à voir avec les mises en scène classiques en cinq actes, qu’on voit trop souvent et qui n’apportent plus rien, si ce n’est l’écoute des alexandrins de Molière.

C’est dans le cadre du 400ème anniversaire de la naissance de M Poquelin que Ivo Van Hove a déterré cette version en 3 actes (au lieu de 5), les actes 2 et 5 en moins, car écrits par Molière plus tard afin de calmer les ardeurs du clergé de l’époque. Version resserrée avec la disparition de plusieurs personnages, Marianne la fille d’Orgon et Valère son amoureux. La pièce est donc débarrassée des liaisons amoureuses de la jeunesse pour se concentrer sur Tartuffe, Orgon et son épouse Elmire. Match à 3 dans lequel vient se cabosser Mme Pernelle, la mère d’Orgon.

Match certes car un tapis blanc est disposé au début sur le plateau représentant l’aire de combat que vont se livrer ces quatre là, sans répit, sans fioritures. Dans un prologue, Orgon découvre un SDF sous un tas de couvertures, sale, dépenaillé, que la famille lave, habille et héberge. Son retour sur le plateau, sorte de démon sorti des enfers, jeune fasciste, (Christophe Montenez fabuleux), déclenche les hostilités. Mais Van Hove fait d’Elmire (Marina Hands, belle à damner les anges) un personnage à double face, tantôt voulant à toutes forces montrer à son mari le vrai portrait de Tartuffe, tantôt tombant sous le charme du même Tartuffe. On ne sait plus trop qui elle est vraiment. Quant à Orgon (Denis Podalydès égal à lui-même derrière un masque, il était ce jour-là cas contact), il ne comprendra la nature du Tartuffe qu’en le voyant, de ses yeux, dans un vers devenu célèbre.

Dans un double épilogue, Mme Pernelle (Claude Mathieu toujours aussi vigoureuse malgré les ans), refusant de voir la vérité en face est ensevelie dans un linceul par son fils Orgon et portée par la famille au cimetière. Faut-il y voir ceux qui refusent de reconnaître le danger du Covid et qui, plutôt que de se faire vacciner, meurent de leur aveuglement ? In fine, pour ravir le public, neuf mois plus tard, Ivo Van Hove nous présente la famille, Elmire proche d’accoucher. Qui est le père, s’amuse le metteur en scène ? Tartuffe ? A chacun sa réponse !

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