Film exceptionnel en ce mois de février, « Un autre monde » de Stéphane Brizé est une œuvre coup de poing duquel on ressort secoué. Le réalisateur poursuit l’examen à cœur ouvert du monde du travail avec son compère Vincent Lindon. Après « la Loi du marché » en 2015 qui valut à Lindon un Prix d’interprétation à Cannes, « En guerre » en 2018, voici donc le 3ème volet du triptyque, probablement le plus abouti. Si Lindon était dans les deux premiers un prolétaire (agent de sécurité dans un supermarché, puis responsable syndical dans une entreprise), le voici de l’autre côté, Directeur d’une entreprise d’un demi millier de salariés, filiale d’un groupe US dont le PDG dira crûment que son patron, c’est Wall Street. Entre les deux, une « Directrice France » (excellente Marie Drucker sans aucun état d’âme et d’une froideur inégalée) fait le tampon.
Après un plan social deux années auparavant, les actionnaires en exigent un nouveau, devant jeter à la rue 10 % des salariés alors que les cinq entreprises françaises fonctionnent déjà à flux tendus.
Première image, lui et son épouse sont en plein divorce, leurs deux avocats répartissant les biens. Tension extrême ! L’épouse, (Sandrine Kiberlain d’une très grande justesse dans son rôle), n’en pouvant plus de « l’enfer » dans lequel elle vit. Et pourtant, le couple a des revenus élevés à en croire leurs biens immobiliers ainsi que leur assurance vie.
Si dans « En guerre », Lindon faisait preuve d’une grande détermination face au patron, ici, devenu patron, il oscille entre deux positions. Devant sa supérieure, il défend le monde des salariés de sa boîte, mais face à ces mêmes salariés, il se comporte en sale patron. Au final, il ne saura pas se révolter devant sa hiérarchie et courbera l’échine. Pourtant, j’attendais une autre fin : il aurait pu utiliser contre sa patronne, le même stratagème que ses salariés ont usé contre lui. Enregistrer les conversations et les balancer à Médiapart, par exemple. Mais non ! Il est patron dans l’âme !
Stéphane Brizé ajoute un élément familial à la décomposition du couple, celui du fils (Anthony Bajon toujours très vrai en ado), étudiant en informatique, qui explose totalement, devant être interné. Un peu comme dans « la Loi du marché » où son fils est handicapé. Brizé n’en ajoute-t-il pas trop dans la compassion des spectateurs ? Mais ne manquez pas la chanson d’Anne Sylvestre lors du générique de fin.
Je n’avais jamais vu autant de public pour une Première aux Carmes, bien que le film soit projeté à 50 reprises en cette semaine sur les deux cinémas orléanais. Il semblerait que l’afflux de spectateurs soit le même partout. Cela Promet ! On a même entendu des applaudissements en fin de projection,, c’est rare !
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