Comment parler du film iranien de Mohammad Rasoulof, « le Diable n’existe pas », Ours d’Or au Festival de Berlin en 2020, sans trop en révéler le scénario ? Telle est la question !
Le film pose crûment le dilemme à tout homme : peut-il accepter de tuer de sang froid un autre homme, lorsqu’il en reçoit l’ordre de l’Etat, sans même en connaître la raison ? D’autant plus, lorsque l’enjeu pour le bourreau est la liberté ou la prison.
Rasoulof met en scène quatre situations, avec quatre hommes qui ont, ou ont eu, à choisir entre accepter ou refuser d’être un bourreau. Deux ont accepté et deux ont refusé. Deux situations en ville au sein de prisons bunkerisées, un bon père de famille d’une part, un jeune militaire effectuant son service militaire d’autre part. Et deux autres situations loin de Téhéran, en régions semi montagneuses aux panoramas exceptionnels, avec un jeune homme venu demander sa belle en mariage, et un vrai-faux médecin accueillant la fille d’un ami vivant à l’étranger. Je ne peux en dire plus, sans trahir le scénario.
On sait que Rasoulof est interdit de cinéma en Iran. En ville, les seules séquences ont donc lieu dans des voitures, notamment dans la première séquence. Cela nous rappelle « Taxi Téhéran » de Jafar Panahi qui n’a plus le droit de filmer lui non plus. Mais Rasoulof semble aimer beaucoup les grands espaces qui représentent la liberté contrairement à la ville-prison de Téhéran : on l’avait déjà remarqué dans son précédent film, « un Honnête Homme » sorti en 2017, où le cinéaste iranien posait déjà la question de savoir si pour survivre dans une dictature, on peut garder son intégrité ou devenir pire que ses oppresseurs. Et coup de chapeau au Directeur de la photographie, Ashkan Ashkani, lequel a assuré la totalité du film derrière la caméra, en l’absence du réalisateur qui devait ne pas donner l’éveil.
Cinéaste de questions donc, et film exceptionnel qui mérite amplement son Ours d’Or ; L’équipe du film présente à Berlin (sans son réalisateur) avait les larmes aux yeux lors de l’annonce. Il y avait de quoi ! Bella Ciao, telle est la musique de la liberté…
Réflexion : Quand dans une entreprise, un manager se conduit de manière inqualifiable envers les salariés sous ses ordres, brimades, moqueries, insultes, réduction des temps de pose, et j’en passe, certains acceptent, d’autres refusent. Le refus, c’est la porte ordonnée par le super manager, l’acceptation, c’est sombrer dans la déchéance humaine. Savoir dire NON et pouvoir se regarder dans une glace, même au prix de sacrifices extrêmes, c’est pour un être humain, avoir une conscience.
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