Le CDN d’Orléans dirigée par Séverine Chavrier nous projette souvent hors de France, vers des configurations théâtrales peu habituelles, qui nous font découvrir des spectacles surprenants, des mises en scène hors des sentiers battus, un théâtre neuf. Cela peut déplaire à certains, adeptes des traditions. Ce qui n’est pas mon cas, ni d’ailleurs des nombreux jeunes, étudiants et étudiantes, qui emplissent la salle. Ainsi en va-t-il de « Fortress of smiles » présenté en cette fin de semaine à Orléans, à la suite du Festival d’Automne parisien au théâtre de Gennevilliers.
Sur le plateau, deux appartements quasi symétriques. A gauche, un pêcheur, plus très jeune, et ses trois employés qui viennent le soir chez lui, partager le repas, et le saké bien évidemment, la télé, le bavardage entre pêcheurs où l’on évoque les jolies filles et surtout les prédictions zodiacales quotidiennes. A droite, une famille nouvellement arrivée, la grand-mère sénile, son fils qui s’occupe bien d’elle quand il n’est pas parti au travail, et la petite-fille d’une vingtaine d’années suspendue à son smartphone. Lui lit « le vieil homme et la mer », mais n’y comprend rien.
Les relations entre les deux groupes seront des plus sommaires. L’un viendra se présenter aux pêcheurs et partagera le repas, il recevra un crabe de haute mer un peu plus tard. Ce sera tout. Chacun vit en vase clos, éloigné de toute vie culturelle ou sociale. Ainsi en va-t-il au Japon et ailleurs, en France notamment, où la télé, les jeux de toutes formes, l’enrichissement de quelques uns au détriment du plus grand nombre, le divertissement le plus abject passant pour de la culture, enchaînent les peuples dans l’ignorance, voire dans l’obscurantisme intellectuel. Au final, le pêcheur et l’un de ses employés éclatent d’un énorme rire communicatif, le patron décrivant un western et un génial acteur du nom de Clinton, l’autre rectifiant (les noms se ressemblent, je laisse deviner), façon pour Kurô Tanino de nous dire que le monde n’est pas si triste qu’il en a l’air. Mais le pense-t-il vraiment ?
Kurô Tanino indique « qu’un espace exigu peut, selon moi, contenir, décrire, évoquer un monde infiniment grand ». Ici, avec quelques personnages dans deux pièces contiguës mais non communicantes, il décrit ce que le monde actuel devient. La salle applaudit chaleureusement les sept acteurs et actrices, ainsi que le metteur en scène (je suppose) venu saluer.
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