Trois étages à gros problèmes

Nanni Moretti était à Cannes en mai dernier, avec son petit dernier, « Tre Piani », ou « 3 étages » dans un immeuble où résident 4 familles. Premier couple, lui est juge, ils ont raté l’éducation de leur fils qui sombre totalement, il en prend pour cinq ans. Second couple qui confie leur petite fille à un troisième couple âgé dont l’homme perd un peu la boule : le père pète un câble et s’imagine le pire. Enfin, dernier couple, lui est absent, elle accouche et est sujette à des hallucinations.

Nanni Moretti découpe son long métrage de deux heures en trois parties, il y a 10 ans, tout d’abord, puis il y a 5 ans, enfin aujourd’hui, en traçant l’évolution de ces familles au cours de ces dix années. Moretti dresse le portrait d’une Italie qui part à vau l’au, tout s’enchaîne dans la désespérance, le fils qui rejette ses parents, le père qui fait de même avec son fils, un autre qui tire un trait sur l’existence de son frère. Chacun semble fuir ses responsabilités dans un pays où on vient de condamner à 13 ans de prison, un Maire qui avait accueilli des migrants pour repeupler sa commune. Moretti semble l’évoquer avec cette séquence qui vous glace, celle où des militants d’extrême droite incendient un local où une association fournit des vêtements de récup à des migrants, malgré la police impuissante. Le corbeau noir, au bec grand ouvert, halluciné par la maman, c’est la métaphore de cette idéologie nauséabonde véhiculée  par une sous culture de pacotille, véritable pieuvre qui jette ce pays dans les ornières de la déchéance.

Moretti termine son œuvre néanmoins sur une note d’espoir avec ce défilé de couples de danseurs dans la rue, précédés d’un orchestre. On aurait aimé séquence plus forte, à la manière d’une fanfare à la Kusturica.

Formidable équipe d’acteurs et d’actrices, avec en tête Nanni Moretti lui-même en juge intègre, et Margherita Buy sa femme dans le film qui m’avait ébloui dans « Mia Madre » du même Moretti. Ce serait trop long de les citer tous et toutes. Ajoutons une très belle musique de Franco Piersanti, et on a là un film d’une très haute qualité cinématographique.