lundi 30 août 2021

Oncle Vania au pays du soleil levant

Ryusuke Hamaguchi, c’est « Asako 1&2 » (2019), c’est aussi les 5 parties de « Senses » (2018), deux chefs d’oeuvre. Le réalisateur nippon poursuit son aventure cinématographique avec « Drive my car », Prix du scénario au dernier festival cannois, les critiques s’accordant pour penser qu’il aurait dû obtenir beaucoup mieux tant ce film long de trois heures est une réussite parfaite, lesquels lui ont d’ailleurs attribué le Prix Fipresci, sorte de Palme d’Or des critiques.

Difficile de déterminer un thème central à « Drive my car ». C’est une référence théâtrale dans la mesure où Kafuku, le personnage central du film, est metteur en scène : après une incursion chez Beckett avec Godot, il rejoint Tchekhov en créant « Oncle Vania », avec casting, lecture du texte, jusqu’à la représentation finale devant un public dense. Mais c’est aussi la relation, d’abord froide, puis de plus en plus amicale et empreinte de tendresse mutuelle, qui se noue entre Kafuku et sa conductrice prénommée Misaki, qu’on lui impose lors de sa résidence théâtrale, quand tous deux découvriront que la vie les a confrontés à la mort de proches. Aussi, le thème du deuil apparaît in fine dans sa conclusion, soit un enfant et l’épouse d’une part, la mère d’autre part, même si l’une et l’autre étaient loin d’avoir un comportement irréprochable. Mais comment évacuer la peine que provoque le deuil, demande Hamaguchi ? En continuant à vivre, répondent Kafuku et Misaki, car comme aurait dit Shakespeare, « ce qui est fait est fait, et ne peut être défait ».

Pour en revenir à « Oncle Vania », on trouve entre la pièce du dramaturge russe et les histoires de Kafuku et Misaki, des points de convergences sur la peur d’avoir raté sa vie, de ne plus savoir retrouver sa joie de vivre. Kafuku, devant la défection de son acteur tenant le rôle de Vania, refuse de prendre sa place, disant que le théâtre de Tchekhov est pour lui impossible à jouer, tant il lui rappelle sa vie personnelle.

Ryusuke Hamaguchi a réuni autour de lui, une équipe remarquable de laquelle se détache bien sûr Hidetoshi Nishijima dans le rôle de Kafuku, qu’on avait déjà vu dans Creepy de Kurosawa ; mais surtout la jeune Toko Miura interprétant une jeune conductrice au regard impénétrable, elle aussi bien peu gâtée par la vie, conduisant la Saab 900 rouge de Kafuku, volant à gauche alors qu’on roule à gauche au Japon. Plaisanterie d’Hamaguchi ?

Un grand film et un grand réalisateur nippon au sommet de son art !

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