samedi 3 juillet 2021

Berger, de générations en générations

« Février », film bulgare de Kamen Kalev, formé à l’art cinématographique à la Fémis à Paris, n’est pas une oeuvre grand public. Mais il est particulièrement intéressant dans son projet et la philosophie qu’il dégage et que Kamen Kalev n’hésite pas à assumer en voix off.

Le film est bien découpé en trois parties.

Dans la première, Petar, un enfant d’une dizaine d’années passe ses vacances (peut-être ?) chez son grand-père, berger, au profond de la terre bulgare. Les mots échangés sont rares, on sort les brebis le matin, on les rentre le soir pour la traite. L’enfant découvre une vieille cabane qu’il pense être habitée. Et c’est à peu près tout. Dans ce monde clos, l’enfant ne peut apprendre quoi que ce soit, puisque son seul univers, c’est la ferme. Pas de livres, pas de paroles, rien !

Dans la seconde partie, dix années ont passé. Petar se marie. On assiste au mariage et à la première nuit des jeunes époux. Mariage arrangé pour sûr. Puis Petar part au service militaire. Nous sommes sous le régime communiste. On lui apprend à aimer la patrie en lui faisant répéter inlassablement les mêmes mots. Pourtant, il y a là un soldat qui lui lit de la poésie. Petar semble s’éveiller en écoutant les mots de l’autre. Mais à sa demande, il part sur une île, où il est subjugué par les goélands qu’il n’a jamais vus : mais pas un mot ne sort de sa bouche, juste des cris pour parler aux oiseaux.

En troisième partie, nous sommes en février. On annonce de la neige. Petar est vieux, il n’a plus que sa sœur au téléphone qui lui dit ses problèmes de santé. Petar garde les brebis, là où son père, son grand-père, ont gardé les brebis de générations en générations.

Kamen Kalev dit ne pas comprendre cette absence d’évolution dans les moeurs, la vie de ces hommes et de ces femmes, la sœur de Petar découvrant sur le tard « qu’ils ont travaillé toute leur vie, et n’ont rien fait d’autre. » Pas une once de révolte, ni de projet, ni d’envie de faire autre chose de leur vie. Au capitaine qui lui propose de devenir officier, il dit son incompréhension : ses ancêtres étaient bergers, lui sera berger. Kamen Kalev avoue sa honte devant un tel immobilisme dans cette société bulgare !

Malgré sa longueur (plus de deux heures) et son absence d’actions, le film passe relativement vite. Il fait partie de ces œuvres qui sont faites pour un public restreint. Il s’inscrit dans une démarche de recherche cinématographique hors des sentiers battus. Le film aurait dû être présenté à Cannes en 2020.

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