Le cinéaste brésilien Alejandro Landes nous propose « Monos », film à capitaux internationaux (on sait qu’au Brésil, il n’y a plus d’argent pour la culture), à la distribution USA/sud américaine, tourné probablement en Colombie dans la forêt amazonienne. En un mot, un pur chef d’œuvre.
Une bande d’adolescents, voire un ou deux enfants, sont réfugiés en montagne et sont soumis à un entraînement féroce de la part d’un chef. Tous sont armés jusqu’aux dents. On pense à Koh-lanta, à moins qu’il ne s’agisse d’une colonie de vacances à la dure. Le chef leur amène une vache. Et puis, il y a cette prisonnière américaine, « Doctora » comme les autres l’appellent. En fait, le réalisateur nous plonge dans un groupe de guérilleros (on sait que la guerre civile a duré 50 ans en Colombie), aux mœurs étranges. La mort de la vache, tuée accidentellement, va être l’élément de rupture.
Le plus surprenant dans l’affaire, c’est de constater que le cinéaste joue à perturber les rapports de domination des uns sur les autres. Question guérilleros, on s’attend à découvrir des adultes imbibés de théories révolutionnaires, et pas des ados qui en dehors de l’entraînement, organisent des jeux. Quant au chef, c’est un homme de très petite taille qui impose sa domination au reste du groupe. Etrange inversion, voire de bouleversement des rapports de force !
Concernant la Doctora, elle parvient à s’évader, sans aucune compassion pour deux enfants. Sa liberté ne souffrira d’aucune compromission. Le fameux syndrome de Stockholm est inconnu en Colombie. In fine, un ado, pas le plus criminel loin s’en faut, est arrêté par l’armée : emporté en hélico, à la question du militaire demandant par radio ce qu’il faut faire du prisonnier, l’absence de réponse augure du pire.
Alors, à la sortie, on en vient à se demander qui sont les barbares. Ou plutôt dans ce pays, la barbarie n’aurait-elle pas contaminé le genre humain ? Dans un pays où l’on a dénombré 50 000 morts violentes lors de cette guerre entre l’armée et les FARC, les droits humains semblent avoir disparus. Y compris chez la Doctora qui nous rappelle une franco-colombienne, otage en pleine Amazonie et qui a occupé la presse française en son temps.
Si le film vaut déjà par son scénario, la poignée de jeunes acteurs, il vaut aussi par la photographie, les prises de vue qu’elles soient réalisées sous l’eau, dans les rapides, en pleine forêt amazonienne, en montagne, voire dans des tunnels, recèlent une beauté picturale exceptionnelle. Quant à la réalisation, Alejandro Landes ne nous donne pas toutes les clés, on ignore ce que les uns les autres deviennent au final. Peu importe après tout ! « Monos », c’est du très grand art cinématographique.
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