« Les Misérables » , long métrage du cinéaste Ladj Ly, Prix du Jury à Cannes, est sur les écrans. Que faut-il en penser ?
On est à Montfermeil, là où en 2008, Ladj Ly filme lui-même ce qu’on a coutume d’appeler une bavure, à savoir un tabassage en règle d’un homme par deux policiers, lesquels seront par la suite condamnés par la justice. Plus tard, Ladj Ly réalise un court-métrage, « Les Misérables », qui donne lieu au long, aujourd’hui donc sur les écrans.
Montfermeil, c’est aussi le lieu du film de Jeanne Balibar qui sortira en janvier prochain, où elle nous parle des « Merveilles » de sa ville. D’ailleurs, Jeanne Balibar est dans « Les Misérables », la chef des trois policiers. Le monde est petit à Montfermeil.
Le film débute lors de la victoire de l’équipe de France de football, fêtée par tous les jeunes des cités descendus sur les Champs Elysées. Plus tard, trois flics de la BAC sillonnent les rues d’une cité où le travail se résume à pas grand-chose, la revente de drogue ou la prostitution. L’un est comorien il me semble, il commettra la bavure qui va mettre le feu à la cité ; le second est le chef du trio, flic exécrable, raciste, jouant les durs ; le troisième, nouveau dans la brigade, est effaré par l’attitude de son chef qui se moque de lui.
Tout débute avec la disparition d’un lionceau du cirque qui vient de s’installer dans la ville. La situation ne cessera de se dégrader jusqu’à la révolte des « microbes » ou « moustiques », comme on veut, les gamins de la cité. Ladj Ly laisse la dernière image en équilibre instable, sorte de métaphore de la cité dont on ne sait si les choses vont continuer ainsi longtemps, ou si tout va à nouveau brûler. Les choses ont bien changé depuis la victoire du foot !
Ladj Ly, à travers son film, pose des questions plus qu’il n’apporte de réponses. Il a l’intelligence de ne pas, de manière manichéenne, placer tous les bons d’un côté et les mauvais de l’autre. La fin est à ce titre très démonstrative : les jeunes s’en prennent autant aux flics de la Bac qu’à ceux qui règnent sur la cité, caïds, frères musulmans, et autres adultes. Le réalisateur interpelle le politique, et au-delà le public, en leur (nous) demandant si on est décidé à réagir, et ne pas laisser ces jeunes plonger dans la folie meurtrière lorsqu’ils deviendront adultes. En épilogue, cette citation de Hugo piochée dans le roman éponyme : « Il n’y a pas de mauvaise graine ni de mauvaise plante, il n’y a que des mauvais cultivateurs ».
Remarquable prestation de l’ensemble des acteurs/actrices, tant professionnels qu’habitants de la cité. Excellente direction d’acteurs de la part de Ladj Ly, et sublime travail du Directeur de la photographie, Julien Poupard qui avait enchanté Cannes en 2016 avec Divines, le film recevant la Caméra d’Or. D’ailleurs, Ladj Ly aurait pu lui aussi la recevoir cette année. Mais un Prix du Jury, ça vaut bien une Caméra d’Or.
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