lundi 30 septembre 2019

Western brésilien sur fond de dictature

Kleber Mendonça Filho est un habitué du Festival de Cannes. D’abord critique journalistique durant de longues années, il se lance dans une carrière cinématographique au début des années 2010, avec « Aquarius » et « les Bruits de Récife », deux films distribués en France et particulièrement remarqués. Mendonça Filho aime nous montrer la vie ordinaire des Brésiliens, qu’ils soient aisés ou non, de petites choses le plus souvent, qui font de lui un peu un ethnologue. Si ses deux premiers films nous montrent Récife, la capitale de l’Etat de Pernambouc au Brésil, dans son dernier film présenté en compétition officielle à Cannes, il se déporte dans un village, perdu au milieu de nulle part. Le village, c’est « Bacurau », qui a donné son nom au film.

Nous suivons un camion citerne qui se dirige vers le village. En chemin, il écrase des cercueils, il ne fait pas bon les transporter là-bas ! Une jeune femme accompagne le conducteur, elle vient enterrer sa grand-mère, ce qui nous fait assister aux obsèques traditionnelles, récit ethnographique. Le camion citerne vient ravitailler le village en eau, parce que les canalisations en eau potable ont été coupées. On apprend qu’une révolte a eu lieu, qu’un homme nommé Lunga (acteur transgenre) a pris le maquis, recherché par la police. Survient le préfet qui mène sa campagne électorale à coups de mensonges auxquels personne ne croit. Il se passe des choses étranges dans ce village disparu de Google Eartth, une soucoupe volante survole les environs… Mais l’instituteur enseigne aux enfants, la femme  médecin soigne les malades quand elle n’a pas trop bu,, un vieil homme gratte une guitare, récit ethnographique toujours.

Lorsque deux villageois découvrent un massacre perpétré dans une ferme, eux-mêmes assassinés ensuite, un enfant subissant le même sort, on fait appel à Lunga. On glisse brutalement dans « les sept samouraïs » ou « les sept mercenaires » transposé au Brésil.

On verse alors dans le genre western XXIème siècle, avec d’un côté une équipe de tueurs équipés d’armes dernière génération, celles qu’on peut se procurer aux Etats-Unis pour massacrer une communauté, et même d’un drone, et de l’autre des villageois qui ont de quoi répondre.

On peut évidemment se contenter de voir le film, mais le message politique est clair. La lèpre du fascisme, incarnée par Bolsonaro, sera enfouie sous terre dans la dernière image. La scène du camion déchargeant un millier de livres comme des déchets est un message fort envoyé à ce pays privé aujourd’hui de Ministère de la Culture. Kleber Mendonça Filho nous livre une œuvre remarquable, justement auréolé d’un Prix du Jury à Cannes, les ciels brésiliens aux couleurs fabuleuses nous rappelant la beauté de ce pays, aujourd’hui sous la dictature d’extrême-droite.

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