A la fin du film d’Antoine Russbach, cinéaste suisse, « Ceux qui travaillent », je suis resté interloqué devant les personnages dépeints durant un peu plus d’une heure quarante.
Franck est un haut cadre travaillant dans une entreprise d’import-export, chargé de gérer les porte-conteneurs qui sillonnent les mers du monde pour apporter aux européens tout ce dont ils ont envie. Elevé à la dure dans une ferme, n’ayant pas fait d’études, il a bossé toute sa vie. Il ne sait pas ce que veut dire « ne pas travailler », encore moins « être au chômage ». Il arrive le premier le matin devant ses ordinateurs, repart le dernier le soir, il est l’homme indispensable dans sa boîte. Pourtant, un beau jour, il est viré.
Il a une femme au foyer, cinq enfants dont quatre ados. On dépense sans compter. Mais quand la famille apprend la situation du père, pas question de rogner sur le train de vie ! C’est dit crûment. Franck se fait éjecter du lit conjugal et personne ne s’émeut dans cette famille.
Que lui reste-t-il ? Retrouver un travail ? Se suicider ? Prendre le large ? S’enivrer à mort ? Il emmène sa dernière, Mathilde, une dizaine d’années, lui montrer son lieu de travail, pour qu’elle sache qui était son père au cas où... La seule dans ce film à conserver une morale, en raison de son jeune âge.
Antoine Russbach semble poser la question de l’absence totale de conscience, d’honnêteté, de morale, dans ce monde pourri par l’argent, adolescents compris. Ni Franck, ni sa famille exceptée la petite Mathilde, ni ses collègues ou ex collègues, personne ne semble partager la moindre valeur humaniste. Le fric d’abord. Et chacun pour soi. Ces gens-là peuvent-ils se regarder dans une glace comme Franck sur l’affiche ?
Olivier Gourmet livre une remarquable interprétation de cet homme rongé par le doute, taiseux car on ne parlait pas à la ferme de son enfance, et capable de la pire saloperie.
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