Un dernier adieu

Le réalisateur indépendant US Ira Sachs a présenté à Cannes, en sélection officielle, « Frankie », reparti bredouille. Verdict probablement immérité, mais au vu de la qualité globale de la sélection, il eut été difficile d’obtenir un quelconque prix. Et pourtant, nous avons affaire là à quelque bijou de famille. Et pour parler famille, Ira Sachs nous a éblouis.

Nous sommes au Portugal, dans une station balnéaire où les paysages sont magnifiques, où il fait bon vivre à ne rien faire, sinon à organiser des réunions de famille. Ce à quoi Frankie, star de cinéma, de nationalité française, mais voyageant de l’Amérique du nord à l’Europe de l’ouest, au gré des films qu’elle est amenée à tourner, s’emploie à organiser. Tout le monde est venu, les deux maris, Michel l’ex et Jimmy le nouveau, Paul le fils, la belle famille apportée par Jimmy, père, mère et fille ado, et une amie à Frankie, Irène, vivant à New York.

Tout ce petit monde se retrouve donc autour de Frankie, laquelle vit ses derniers mois, étant atteinte d’un cancer en phase terminale.

Mais rien n’est simple dans cette famille, où le passé pèse énormément, où les secrets sont enfouis, et c’est dans cette atmosphère que Frankie trace ses plans avant de mourir. Et ce n’est pas simple, entre les couples qui partent à vau l’eau, où les problèmes d’héritage seront certainement sujets à procès, où  les tentatives de Frankie de marier l’un avec l’autre échouent. Mais elle espère voir tout le monde heureux autour d’elle, alors que chacun sait qu’il ne reverra plus Frankie vivante.

Frankie, c’est Isabelle Huppert, monstrueuse comme à son habitude, régnant sur sa micro société comme une reine. Ira Sachs sait créer cette atmosphère ambiguë où chacun s’interroge sur son avenir quand Frankie aura disparu. Un grand film, où les relations humaines dominent. La dernière image, particulièrement forte qui laisse le spectateur quasi interdit, voit la famille réunie sur la falaise qui domine la côte, avant que chacun s’en retourne. Manière de dire adieu à Frankie. On ne reviendra plus.