Avignon, c'est parti pour une semaine (enfin, pour moi !)
Julie Duclos m’avait littéralement ébloui en 2017 lorsque le CDN d’Orléans l’avait invitée dans sa programmation annuelle, avec « Mayday », adapté d’un texte de Dorothée Zumstein, racontant l’histoire d’une petite fille devenue grande, ayant assassiné deux camarades de son âge lorsqu’elle était petite. Une telle réussite, visuelle, esthétique et théâtrale, a sans doute convaincu Olivier Py de lui confier un spectacle dans le IN cette année. Julie Duclos jette son dévolu sur le texte du poète belge Maurice Maeterlinck, « Pelléas et Mélisande » écrit en 1893 et qui donnera différentes suites dont la plus connue est l’opéra de Debussy. La magnifique salle de la Fabrica accueille cette histoire où deux demi-frères, Golaud et Pelléas, sont amoureux d’une jeune fille, le premier ayant déjà convolé avec elle. Il y en a forcément un de trop : le drame explose dans toute sa force brutale. Au-delà de l’histoire proprement dite, Maeterlink explore l’âme humaine, le roi s’exclamant devant ses deux petits-fils : « Si j’étais Dieu, j’aurais pitié du cœur des hommes ». Phrase d’une actualité brûlante !
La jeune fille, Mélisande, est retrouvée en pleurs en pleine forêt par l’aîné des deux frères, Golaud : on ne saura rien de son chagrin, du pays d’où elle vient, de son histoire. On pense aussitôt aux migrants d’aujourd’hui en Europe. Dans cette pièce, le flou entoure chacun des trois protagonistes : l’amour de Golaud envers son épouse Mélisande semble éteint en apparence, Pelléas hésite à passer la ligne rouge, disant vouloir fuir, mais ne fuyant pas ; quant à Mélisande , ce n’est que lorsque le drame est inévitable qu’elle déclare son amour et prend les choses en mains, voulant le vivre en pleine lumière, aux yeux de tous.
Au-delà du texte de Maeterlink, la mise en scène de Julie Duclos mêle des fragments de vidéos au jeu de plateau, c’est la mode qui ne me pose pas problème. Une maison à un étage, comme dans Mayday, des micros HF qui nous permettent d’entendre parfaitement le texte, mais qui a l’inconvénient d’aplatir les voix, un jeu d’acteurs très, trop sobre. Le spectacle tient la route, mais on ne retrouve pas la touche sublime de Mayday. Dommage. Signalons néanmoins la nette condamnation de la violence au foyer dont sont victimes les femmes chez la metteuse en scène. C’était une nécessité, Julie Duclos n’est pas passée à côté.
Dans le rôle de Mélisande, on retrouve Alix Riemer (déjà dans Mayday jouant le rôle de la petite fille), bien sage cette fois-ci. Le seul à tirer son épingle du jeu est sans doute Vincent Dissez en Golaud, frère meurtrier, voulant avant de mourir savoir si réellement il a été mari trompé, et fabuleux dans l’interrogatoire qu’il fait subir à son propre fils, rôle tenu par un enfant avec un texte qu’il a dû apprendre par cœur : chapeau !
En soirée, j’ai découvert une jeune chanteuse, seule sur le plateau, jouant de l’accordéon avec beaucoup de maîtrise, à la voix délicieuse. Elle nous parle de la mer, de la terre, du vent, de sa sœur, des frênes, du printemps… Ses textes sont empreints d’une lumineuse poésie. Elle s’appelle Louise O’Sman. Son premier CD sort bientôt.
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