vendredi 21 juin 2019

Biopic sur le maître de la Danse classique

Le réalisateur britannique Ralph Fiennes nous propose un biopic centré sur la période qui vit Rudolph Noureev arriver à Paris en mai 1961 et refuser de repartir en URSS à l’issue de la tournée française du Kirov (aujourd’hui Mariinsky) qui dura un mois, alors que le reste de la troupe s’envolait pour Londres. Le long métrage, « Noureev, le corbeau blanc », effectue en fait de nombreux allers-retours dans la vie du danseur, depuis sa naissance dans un train bondé au fin fond de la Sibérie (nous sommes alors en 1938).

Au fil des flash-back, on découvre un personnage exceptionnel, Alexandre Pouchkine, pas l’auteur d’Eugène Onéguine, mais l’autre, le maître de ballet à Leningrad (Ralph Fiennes lui-même incarne magnifiquement un Pouchkine d’un calme olympien), lequel prend sous son aile le jeune danseur pour en faire ce qu’il est devenu, grâce à une pédagogie qui tranche avec la dureté habituelle, et dont l’épouse s’entiche du jeune Rudolph pour en faire son amant.

A Paris, Noureev rencontre une jeune femme (Adèle Exarchopoulos), effondré par la perte récente de son ami, Vincent, fils du Ministre de la Culture de l’époque, et qui au contact du danseur soviétique, va reprendre goût à la vie. Mais leurs rapports en resteront au stade de la camaraderie quand l’homosexualité de Noureev est abordée par sa relation avec un autre danseur de la troupe. Noureev découvre Paris, le musée du Louvre et le « Radeau de la Méduse », les sculptures, les fastes de la capitale française, les nuits dans les bars où l’on chante… Il est ébloui et rentre tôt à l’hôtel au matin. Ce qui ne plaît pas, on s’en douterait.

Et puis, il y a ce qui se passe au Bourget en ce 16 juin 1961, lorsque la police de l’air barre la route aux officiels soviétiques : « On est en France ici ! ». Pierre Lacotte est présent, il fréquente déjà Noureev depuis son arrivée en France, son intervention est décisive. Aujourd’hui, les Russes ne lui tiennent pas rigueur en l’invitant à Moscou, où d’ailleurs il semble plus apprécié qu’à l’ONP où on monte bien rarement ses chorégraphies.

In fine, lors d’un dernier flash-back, le jeune Rudy (son pseudo enfant) apprend la danse, il a 7/8 ans : séquence adorable où le jeune enfant fait preuve de beaucoup de spontanéité.

J’avoue que je n’aime guère les biopics. Le film de Ralph Fiennes a le mérite de revenir et d’éclairer les spectateurs sur les raisons de ce que les soviétiques ont nommé « trahison » ou « désertion ». Il nous montre un Noureev réfractaire à toute règle, voulant vivre comme il en a envie sur le moment, désirant découvrir le monde qu’il ne connaît pas, quitte à proférer une insulte à sa meilleure amie en plein restaurant. Mais la danse est la portion congrue du long métrage de deux heures quinze. Les séquences dansées sont plutôt rares, et lorsque l’acteur/danseur est sur une scène, le spectateur ne ressent pas grand-chose. On a le sentiment d’un fossé entre ses prestations et le public convoqué pour applaudir.

 Il fallait évidemment quelqu’un qui remplisse trois conditions : être un très bon danseur, être un bon acteur, ressembler physiquement à Noureev à l’âge de 20 ans. C’est Oleg Ivenko, danseur ukrainien au théâtre Tatar à Kazan, qui s’y colle. Si physiquement, c’est assez ressemblant, pour celles et ceux qui ont quelques connaissances chorégraphiques, il est bien loin celui qui sautait comme un cabri, qui tournoyait dans les airs. Ivenko est un très bon danseur classique, mais n’est pas un virtuose. Polounine qui apparaît dans le film aurait été meilleur évidemment question danse, ou quelque étoile du Bolchoï ou du Mariinsky. Et pour ce qui est de l’interprétation, on ne retrouve pas celui qu’on a décrit comme un enfant terrible, imprévisible. Ivenko apparaît bien sage. Mais considérant les trois critères définis plus haut, sans doute ne pouvait-on pas faire mieux.

Un film instructif, bien fait, bien interprété, facile d’accès pour le grand public, mais qui n’apportera rien à ceux qui connaissent la vie de celui qui deviendra Directeur de la Danse à l’Opéra de Paris, et à ceux qui voudraient voir de la danse. Pour ces derniers, passez votre chemin.

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