« Electre / Oreste » est à l’affiche du Français pendant encore plusieurs mois. L’histoire, on la connaît, elle est à rallonges, c’est celle des Atrides.
Au départ, il y a Atrée et Thyeste, deux frères, le premier fit massacrer les enfants du second pour l’appât du pouvoir. Une couronne, ça se mérite ! C’est l’histoire écrite par Sénèque que Thomas Jolly nous présenta en la Cour d’Honneur l’année passée. Atrée eut deux fils, Agamemnon et Ménélas, qui partirent tous deux faire la guerre à Troie pendant 10 ans afin de récupérer la belle Hélène, femme de Ménélas. Au départ, faute de vent, Agamemnon sacrifie sa fille Iphigénie pour plaire à Eole. Les versions divergent, la plus connue est bien sûr celle de Racine. A leur retour, Agamemnon fut assassiné par son épouse Clytemnestre et l’amant, les deux enfants Electre la fille et Oreste le garçon échappant au massacre. Ces deux-là bien plus tard reviennent sur les lieux du crime et vengent leur père.
Euripide en a conçu deux pièces, réunies en une seule par le metteur en scène Ivo Van Hove, bien connu depuis ses mémorables « Damnés ». Au milieu du plateau, une sorte de cabane, refuge d’Electre. Bientôt, Oreste survient, reconnu par un vieillard. Le frère et la sœur ourdissent le double crime, mais c’est la sœur qui arme le bras du frère. Oreste sombre alors dans la démence après avoir assassiné sa propre mère, un matricide cela s’appelle. Hélène passant par là aurait pu subir un sort identique, c’est la sœur de Clytemnestre, elles se ressemblent comme deux gouttes d’eau, si un dieu ne l’avait pas sauvée in extremis. La cousine Hermione aussi, mais Apollon veillait au grain.
La suite est à voir dans l’Orestie, version Eschyle, où Oreste fuit à travers la Grèce poursuivi par les Erinyes, passe par Delphes, se retrouve à Athènes et finit par être jugé par un tribunal du peuple, lequel l’acquitte par égalité de voix, la déesse Athéna ayant le dernier mot. Toute cette histoire de meurtres a donné lieu à de nombreuses pièces de théâtre, et une quantité innombrables de mises en scène.
Ivo Van Hove a fait recouvrir le plateau d’une boue noirâtre où chacun glisse, ou carrément se vautre. Les meurtres font jaillir le sang, c’est donc dans un mélange de boue et de sang que les comptes se règlent. Le metteur en scène évoque la radicalité des deux jeunes, qui rêvent d’un monde propre et qui découvrent un monde politique de puanteur absolue. Le texte est d’une actualité brûlante, on pourrait multiplier les citations décrivant le monde d’aujourd’hui. Electre et Oreste, ce sont les jeunes du XXIème siècle qui manifestent pour des actions en faveur du climat, contre les politiques qui rejettent les migrants, contre les multinationales qui affament les peuples. Tel est le message d’Ivo Van Hove.
Electre est une jeune femme totalement révoltée face à la noirceur du monde qui l’entoure. C’est elle qui décide son frère à passer à l’acte, elle est à mon sens, une vraie féministe au même titre qu’Antigone. C’est Suliane Brahim qui tient le rôle, actrice époustouflante qui balaie les hommes de toute son énergie ! Ivo Van Hove a réussi là une mise en scène à l’égale des Damnés.
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