vendredi 17 mai 2019

Festen, objet mi théâtral, mi filmique

Le Festival de Cannes en 1998 décernait le Prix du Jury à Thomas Vinterberg, cinéaste Danois, pour son second long métrage, « Festen », que je n’ai malheureusement pas vu. « Festen », c’est une réunion de famille pour les 60 ans du père, au cours de laquelle le spectateur découvre la vraie nature de chacun des personnages, au sein d’une famille détraquée. Il y a la grand-mère, très âgée, qui ne pense qu’à raconter des histoires salaces à son fils sexagénaire, le père violeur de ses deux enfants jumeaux, un garçon et une fille, cette dernière s’étant suicidée dans la baignoire de la maison quelque temps auparavant en laissant une lettre d’adieu, un autre fils, violent avec sa femme, raciste, et une deuxième fille qui change de compagnon régulièrement, enfin, c’est sans doute la moins déséquilibrée. Christian, le garçon, meurtri par la mort de sa sœur jumelle, va déclencher l’apocalypse en révélant les crimes de son père à la face des invités, vérité qui devait être enfouie au tréfonds du clan familial.

Le Collectif MxM, et son metteur en scène Cyril Teste, développent le concept de la performance théâtrale filmique en 7 règles formant une charte. A partir du film de Vinterberg, le Collectif a créé en novembre 2017, un objet mi filmique, mi théâtral, que l’Odéon a programmé en cette fin d’année 2017, et qui par la suite a sillonné la France. A Orléans, il était en fin de tournée.

La scène se déroule à la fois sur le plateau, immense salle de séjour où se dresse une très longue table sur laquelle le couvert est préparé pour le repas à venir, dans les coulisses servant de cuisine, de couloirs, d’arrière-salle, ainsi que sur un écran géant situé au dessus du plateau, sur lequel sont projetées les images filmées en direct par, tantôt un, tantôt deux cameramen. Le spectateur est ainsi plongé dans un seul univers à deux faces, sorte de miroir réversible, qui impose aux acteurs d’être à la fois sur scène et sur écran. Formidable aventure théâtrale proposés à la quinzaine de comédiens sur scène que de devoir être là et ailleurs, comme plongés dans deux mondes qui n’en font qu’un réellement.

Quatre acteurs émergent de l’ensemble : le père, Hervé Blanc, imperturbable devant les terribles accusations de son fils, lui-même interprété par un Mathias Labelle capable d’être le fils introverti ou carrément jouant la folie dans une chorégraphie démente, l’autre fils Anthony Paliotti, sorte de fasciste dangereux, enfin Sophie Cattani, la seconde sœur, un brin élégante, mais foudroyée quand son frère lui impose la lecture de la lettre.

Tonnerre d’applaudissements dans ce qui me semble être le sommet théâtral de la saison orléanaise, tant on sort de la salle en état de sidération, mais aussi envahi par un grand bonheur d’avoir rencontré une telle performance qui allie théâtre, cinéma, musique, mise en scène, et jeu d’acteurs au sommet de leur art.

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