samedi 19 janvier 2019

Descente aux enfers chez Poutine

En sortant de la salle de cinéma après avoir vu « Ayka » de Sergey Dvortsevoy, on se dit qu’on vient de se prendre une paire de claques magistrale. Le réalisateur n’y va pas de main morte pour présenter l’antagonisme des classes à Moscou, entre celles et ceux qui roulent sur l’or, et les sans papiers venus des anciennes Républiques soviétiques qui tentent de survivre tant bien que mal.

Ayka est une jeune Kirghize qui refuse de rester pauvre, et qui veut monter son affaire. Mais il n’y a au pays de Poutine, aucune place pour les immigrés. Elle vient d’accoucher, abandonne son bébé à l’hôpital et s’enfuit. Elle est dure au mal, accepte tous les boulots même les plus durs, alors qu’elle frôle l’hémorragie consécutive à son accouchement. Dvortsevoy peint la société russe au vitriol. Mafia qui la menace de mort si elle ne rembourse pas le prêt qu’elle a contracté, loueur de gourbis où s’entassent les immigrés… le tout sous une tempête de neige comme Moscou n’en a pas connu depuis longtemps. Et comme cela ne suffisait pas, Dvortsevoy en rajoute : voilà les pauvres qui se battent entre eux pour avoir du travail, un type qui les fait préparer des poulets à la chaîne et qui s’enfuit sans les payer, et j’en passe. La seule qui lui apportera de l’aide est une autre Kirghize, chargée du ménage chez un vétérinaire. Là, on découvre que les chiens valent bien mieux qu’un être humain. La coupe est pleine !

Au tout début du film, on voit quatre nourrissons, tout juste nés, alignés les uns à côté des autres. L’un baille. Ils attendent d’être nourris. A la fin, on voit dans le cabinet du véto, trois chiots qui tètent leur mère. Eux ont droit à leur lait maternel. La Russie de Poutine est dans ces deux images, semble nous dire Dvortsevoy.

Ayka est filmée durant la totalité du film ou presque, caméra à l’épaule, souvent de très près, de dos, de face, à tel point que le spectateur a l’impression de l’accompagner dans sa quête de travail, dans sa tentative désespérée pour survivre et échapper au sort des déshérités. C’est bien là qu’est toute la force du film, ainsi bien naturellement, dans l’interprétation qu’en donne la jeune actrice, récompensée à Cannes par le prix d’interprétation féminine. Ce prix-là a fait l’unanimité des critiques.

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