dimanche 13 janvier 2019

De Cézanne à la danse contemporaine : un défi réussi

Twenty seven perspectives
Maud Le Pladec
CCN Orléans

Tout commence par un tableau de Paul Cézanne, « la Maison du Pendu », présenté lors d’une exposition en 1874, aujourd’hui au musée d’Orsay. Œuvre impressionniste, elle se caractérise par des axes forts : un chemin qui monte, un autre qui descend, un talus qui forme une courbe, des branches en oblique…

Rémy Zaugg est un artiste suisse, mort en 2005. En 1963, et durant cinq années, il va décortiquer le tableau de Cézanne, en traduisant par des mots sur de grandes feuilles blanches, ce qu’il a sous les yeux et qui semble le fasciner. D’abord les couleurs, il écrit vert là où il y a du vert, de même pour le rouge, le bleu et ainsi de suite. Puis il écrit les mots arbres, maison, toit, branches, herbe, chemin… à l’endroit correspondant. Ainsi, c’est un véritable fouillis d’indications qui s’étalent sur les pages blanches à l’origine. Ce travail de déconstruction, Rémy Zaugg le réalise en 27 tentatives / perspectives.

Ce travail de déconstruction a donné l’idée à Maud Le Pladec et Pete Harden de réaliser une œuvre visuelle et auditive sur un schéma identique, en partant de la Symphonie inachevée n°8 de Schubert. Double travail colossal des deux artistes !

Pete Harden est un compositeur et musicien britannique, guitariste au sein de l’ensemble Klang, en musique contemporaine. Il s’est alors livré à un travail de déconstruction de l’œuvre de Schubert, et comme nous l’explique la chorégraphe, la symphonie a été découpée autant de fois qu’on a voulu pour la danse, et un troisième mouvement a été composé par Pete Harden afin d’achever l’œuvre musicale. Le résultat est assez époustouflant, bien loin d’un assemblage hétéroclite de notes musicales, mais l’œuvre classique garde toute sa force et sa beauté, sans doute aussi transcendée par le travail du britannique.

La chorégraphe Maud Le Pladec, Directrice du CCN d’Orléans depuis deux ans, a réuni une dizaine de danseurs et danseuses sur un plateau nu, blanc, aux bords recourbés côtés cour et jardin. Dans une chorégraphie écrite entièrement, ne laissant rien à l’improvisation, les ensembles impressionnent fortement : d’abord, on a la sensation que les mouvements sont désordonnés, mais peu à peu, les lignes des bras, du corps, épousent les mêmes directions pour ne former plus qu’un mouvement unique, où les gestes des danseurs épousent ceux de la musique, « quand Schubert et les danseurs font vraiment corps ensemble » selon l’expression de la chorégraphe. Et on a un peu le sentiment que les lignes fortes des danseurs épousent aussi celles du tableau de Cézanne, mais ce n’est qu’une impression toute personnelle ! Alors, quand la peinture, la musique et la danse se rejoignent dans une même harmonie, on atteint le sublime, traduit par un questionnement de la chorégraphe : « Est-ce que je vois ce que j’entends, ou est-ce que j’entends ce que je vois ? ».

Un joli pas de deux avec un porté magnifique, ce qui est plutôt rare en danse contemporaine, interrompt le rythme mélodieux du groupe, pour laisser place à une succession de solos, peut-être inégaux. Un dernier tournoiement clôt le ballet d’une heure, créé lors du Festival de la Danse à Montpellier en juillet dernier. Il se produira à nouveau à Bourges le 17 janvier, à Grenoble du 22 au 24 janvier, à Chaillot du 28 mars au 3 avril.

Photo : Konstantin Lipatov

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