dimanche 9 décembre 2018

Une oeuvre poétique, artistique, littéraire, signée Angélica Liddell

Angélica Liddell revendique le droit à l’offense, et elle en use dans son dernier spectacle, « The Scarlet Letter », adapté très librement du roman éponyme de l’écrivain américain Nathaniel Hawthorne. Ecrit en 1850, son pamphlet dénonce l’hypocrisie des premiers habitants d’une colonie en Nouvelle-Angleterre, dans la seconde moitié du XVIIème siècle, administrée par des puritains, intransigeants sur l’ordre moral et religieux.

Lui-même arrière petit-fils d’un puritain, et petit-fils d’un juge lors du procès des sorcières de Salem, il met en scène dans ce roman, une jeune femme fraîchement débarquée dans cette colonie et dont le mari, âgé et difforme, n’arrivera que plus tard. Elle tombe alors follement amoureuse d’un jeune clergyman et se retrouve enceinte. Refusant d’avouer le nom du père de l’enfant, elle est condamnée par un juge à porter sa vie durant, une lettre A, flamboyante, cousue sur sa poitrine. Le mari revenu incognito et apprenant la faute, devient à la fois le confident et le médecin du prêtre, mais surtout son poison, sorte de démon, à l’insu du père de l’enfant. In fine, la mort du clergyman entraîne celle du vieux mari. Hester, la jeune femme, et sa petite fille Perle iront poursuivre leur vie ailleurs.

Dans cette colonie où l’on commence par réserver une place pour le cimetière et la prison, Angélica Liddell, souhaitant que le public la méprise, crie, hurle son désespoir, lors de plusieurs discours provocateurs. Il y a celui sur les femmes de plus de quarante ans, terrible, fulgurant, mettant volontairement le spectateur mal à l’aise ; celui sur la justice ainsi que la liste d’artistes dont, dit-elle, on voudrait voir Baudelaire sans Baudelaire, Artaud sans Artaud, Fassbinder sans Fassbinder, en gommant chez eux, la face dérangeante. Car « The Scarlet Letter » à la sauce Liddell, c’est aussi un discours sur l’Art qualifié « d’irreprésentable ».

A ses côtés, un homme tout de rouge vêtu, un voile sur le visage, c’est le clergyman dont on ignore les traits ; et tout un groupe d’hommes, entièrement nus, par provocation face aux puritains d’hier et d’aujourd’hui. Angélica Liddell assume la sexualité sur scène dans une Sarabande de Haendel qui ferait dresser les cheveux sur la tête de tous les dévots et adeptes de la Manif pour tous.

Dans une scénographie d’une beauté incomparable, où le rouge domine outrageusement à l’exception de la robe noire d’Angélica Liddell, couleur des règles féminines (Hawthorne ne nous dit pas si le mariage a été « consommé »), mais aussi du A portée par Hester, la couleur de la corrida aussi car c’en est une que livre l’artiste ibérique, d’une bande son remarquable, le nouveau spectacle de l’artiste espagnole, qui a écrit le texte, assuré la mise en scène, la scénographie et les costumes (pour celles et ceux qui sont habillés), apparaît comme une vraie réussite, poétique, artistique, littéraire. Mais je conseille vivement à tous ceux qui iront le voir à la Colline en janvier, de lire le roman de Hawthorne auparavant : cela leur permettra de comprendre certains surtitrages, sans doute énigmatiques pour ceux qui ne seraient pas allés à la source de l’œuvre.

In fine, dans une sorte de rappel, toutes et tous nous offrent une danse inspirée du flamenco. Splendide !

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