Lors du Festival de Cannes, le Prix de l’Oeil d’Or récompense le meilleur documentaire, toutes sections confondues. Il a été attribué en 2018 à « Samouni Road », du cinéaste italien Stefano Savona, qui il y a quelques années, nous avait scotchés avec son « Tahrir, place de la Révolution », l’histoire du peuple égyptien en révolte en 2011.
Savona revient sur un crime de guerre, celui perpétré par l’armée israélienne en 2009 lors de l’invasion de Gaza. La famille Samouni a été froidement décimée : 29 de ses membres ont péri, les secours ont été empêchés d’accéder à leur maison pendant trois jours, leurs cultures (ils étaient de simples paysans) détruites, arbres arrachés dont un sycomore gigantesque (celui-ci reviendra souvent dans les conversations tant il était un témoin multi centenaire), habitations réduites à des tas de gravats, pillage de l’argent familial, graffitis ne laissant aucun doute sur les motivations de l’agresseur.
Le film se subdivise en plusieurs parties. Un an après le crime, on rencontre des survivants, notamment Amal, petite fille dont on apprendra qu’elle a été opérée dans le Golfe en raison d’un éclat d’obus dans le cerveau. Il y a la mère aussi, rare adulte survivante, des demi-frères ou sœurs, des cousins… Chacun raconte, mais la parole est difficile, le traumatisme est tout récent. Peu à peu, un film d’animation en N&B vient perturber la vie des Samouni, les hélicos volent dans le ciel, le fracas se rapproche. Puis c’est l’enfer. Dans une métaphore hallucinante, les éléphants remplacent les chars israéliens. Le réalisateur revenant un an après, on célèbre le mariage de deux cousins, la vie a repris son cours, on chante, on danse, le peuple palestinien ne sera pas anéanti.
La force du film tient essentiellement dans la description du crime de guerre au travers d’une animation en N&B due à Simone Massi, lequel utilise la technique de la carte à gratter, et d’images tournées par l’armée israélienne à bord de leurs engins de mort. C’est à la fois terrifiant, mais réaliste car basé sur divers témoignages reçus par Savona.
Extraordinaire leçon de courage d’un peuple dont on se demande ce qu’il a bien pu faire pour mériter un tel acharnement criminel de la part de son voisin. Les propos d’une petite fille expliquant, sans haine, qu’il faut continuer à dialoguer, reflètent une formidable envie de vivre. Restent les références continuelles au Dieu des musulmans, que l’on continue d’honorer, et dont on cherchera en vain le moindre doute quant à son existence. Cela aide à surmonter les tragédies, mais ne les évite pas.
Signalons l’aide apportée par le Ciclic de la Région Centre Val de Loire à la production. Le Ciclic est souvent sur la Croisette par ses choix audacieux. On se souvient de 120 BPM, Grand prix en 2017.
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