Jacques Audiard, après sa Palme d’Or avec « Dheepan » en 2015, nous sert un nouveau long métrage (2 heures) du genre western, « les Frères Sisters », couronné récemment au Festival de Deauville. Je dis du genre western parce qu’il n’a pas grand-chose à voir avec ceux venus d’Italie dans les années 60/70 lorsque les bons et les méchants étaient très bien situés et typés d’ailleurs. Chez Audiard, point de manichéisme, les raisons qui poussent un homme à tuer sont multiples et très complexes.
Nous sommes à l’époque de la ruée vers l’or, de l’Orégon à la Californie. Deux frères sont lancés par un parrain, appelé le « Commodore » sur les traces d’un chimiste qui a découvert une méthode permettant de ramasser l’or à grande vitesse au fond des rivières. Leur besogne consiste à soutirer la formule chimique de notre savant, au besoin par la torture. Mais si d’une part, une autre équipe est aussi à la poursuite du chimiste, ce dernier s’est fait un allié en la personne d’un homme du Commodore.
Personne n’est le méchant absolu, ou le tout bon chez Audiard. Prenons le cas du chimiste : il rêve d’un monde sans violence, sans profit, où l’amitié régnerait entre tous. Mais il n’hésite pas à déverser un agent chimique fort puissant dans les rivières, avec la certitude de polluer gravement l’environnement et de tuer faune et flore. Quant à Morris, l’homme du Commodore, s’il est gagné par l’utopie du chimiste, sa conversion est toute récente. Et c’est lui m’a-t-il semblé qui provoque le drame final. Quant aux deux frères, si Charlie est un tueur sans vergogne, mais son frère Eli expliquera les raisons qui l’ont fait plonger dans le meurtre, ce dernier tue tout autant que son frère, mais il aspire à une vie familiale normale.
Que dire de la scène finale, sinon qu’elle nous rappelle celle de Dheepan que j’avais à l’époque jugée totalement inutile, celle qui consiste in fine à rassembler la famille, dans un monde dont rêvait un peu notre chimiste. Décidément, Audiard aime ce final à l’eau de rose. C’est peut-être le seul reproche que je ferai sur ce western autant psychanalytique, voire freudien, que violent. Quant aux paysages, parfois filmés en drone, ils sont superbes, et c’est peu dire. Tiens ! Je n’ai pas entendu la musique de Desplat. Insignifiante…
Quelques mots enfin sur le quatuor d’acteurs : celui qui crève l’écran est incontestablement John Reilly, Eli, l’un des deux frères Sisters, celui qui tue pour protéger son frère, d’une empathie bien réelle. Les trois autres ne ternissent pas l’ensemble, Joaquin Phoenix le frère cadet sans foi ni loi, Jake Gyllenhaal alias Morris, gagné aux idées non violentes du chimiste, et surtout ce dernier incarné par Riz Ahmed, totalement investi dans son personnage.
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