mercredi 1 août 2018

Une beauté sépulcrale

Premier film d’un réalisateur chinois inconnu, Dong Yue, et premier coup de maître : « Une pluie sans fin » est un mélange des genres. D’abord, film policier, mais aussi voyage dans la région du Hunan où en plein milieu des années 90, on ferme des entreprises sidérurgiques vieillissantes en jetant à la rue des milliers d’ouvriers ; enfin relation trouble entre le détective et une jeune femme qui se croyait aimée, mais qui servait en fait d’appât.

La première scène nous montre un homme sortant de prison, épelant son nom : Yu, comme inutile, dit-il. Retour 10 ans en arrière.
L’intrigue policière est des plus banale : de jeunes femmes se font assassiner. Les indices sont quasi nuls. La police est désemparée. Yu Guowei, chargé de la sécurité dans l’usine, sorte de monstre de ferraille tentaculaire, tente de trouver le meurtrier, espérant ainsi entrer dans la police : c’est son rêve.

Dong Yue utilise cette histoire criminelle pour nous faire entrer dans cette Chine de la fin du 20ème siècle, où les usines pourrissent, tels des ventres cancéreux, rejetant les êtres humains qu’elles abritent comme des déchets dont on ne sait que faire, qu’on a pu quelque temps auparavant élever à la dignité de meilleur ouvrier. La pluie tombe en continu, sorte d’allégorie évoquant une société d’une tristesse infinie, les visages disparaissant souvent sous de larges capuches, l’atmosphère sombre, la grisaille domine. Dans cette société, les rêves ne se réalisent pas : ni celui de ce capitaine de police, approchant d’âge de la retraite et souhaitant retourner dans son village natal admirer le paysage ; ni celui de cette jeune femme pour qui Hong Kong semble être un paradis (nous sommes quelque temps avant la rétrocession de la colonie britannique à la Chine) ; ni enfin celui de Yu Guowei qui ne laisse que des morts parmi ses amis.

Film d’une grande tristesse, certes, mais le montage vif, rapide, une musique envoûtante créée en France, et un acteur, Duan Yihong, en tout point remarquable, tout cela confère au long métrage, une sorte de beauté sépulcrale. Réalisateur plein d’avenir !

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