Interdit de fraterniser entre soldats ennemis

Il y a plusieurs façons d’évoquer des deux Corées, ou celle du Nord plus particulièrement. A Avignon, j’en ai parlé ici même, quatre clowns de retour du pays du matin calme déclenchent les rires en cascade durant leur spectacle « Bienvenue en Corée du Nord ». Le réalisateur Park Chan-Wook a tourné JSA en 2000, long métrage qui vient de nous parvenir, soit « Joint Security Area », drame situé sur la zone tampon entre les deux Corées.

Il s’agit, mais il est difficile de ne pas dire le scénario, de quatre soldats, deux du Nord et deux du Sud, qui fraternisent pendant plusieurs mois au nez et à la barbe de leurs supérieurs respectifs. Au moment de l’ultime séparation, un grain de sable déclenche le drame. Ce qui m’a fait penser au magnifique « Joyeux Noël » de Christian Carion tourné en 2005.

Officiellement, il n’y a qu’un rescapé de la fusillade, un soldat du sud, interrogé par une femme militaire venue de Suisse, pays dit neutre. Rapidement, elle se rend compte que la version officielle ne tient pas, et tente de trouver la vérité que personne, ni au nord, ni au sud, ne veut entendre, tant la fraternisation est un concept repoussoir et interdit.

La question finale que pose Park Chan-Wook est celle-ci : un homme qui a tué un ami très cher, lequel lui a sauvé la vie un jour, et à qui il vient d’offrir un cadeau pour son anniversaire, peut-il continuer à vivre en oubliant ?

Le long métrage (1 heure 50) alterne les moments de fraternisation, carrément d’humour, je pense à ceux qui se font face de part en part de la ligne, l’un faisant remarquer à l’autre que son ombre dépasse la ligne, et des images de guerre, utilisation des armes les plus sophistiquées, de nuit, avec lunettes infrarouge. On en retient une situation totalement absurde, digne d’Ubu, et qui peut à tout moment basculer dans la tragédie. C’est d’ailleurs l’objectif de Park Chan-Wook, de dénoncer pareille folie. En 2016, il nous avait offert « Mademoiselle », un éblouissant polar.