jeudi 28 juin 2018

Un panel de visages époustouflants

Antoine Desrosières est un réalisateur qui n’est pas très prolifique : des courts et moyens métrages, un documentaire sur Bousquet, des productions aussi, mais bien peu de longs métrages en un peu plus de trente ans. Lors du dernier festival de Cannes, « A genoux les gars » est sélectionné dans la catégorie parallèle « Un certain Regard ». Il vient de sortir en salles.

En 2015, il avait réalisé « Haramiste », court métrage qui raconte la vie de deux sœurs maghrébines, toutes deux voilées en public, et dont l’une interdit à l’autre de parler aux garçons. Desrosières a repris ses deux actrices favorites et a coécrit un nouveau scénario toujours sur le thème des rapports entre garçons et filles au sein de la population musulmane. Il aborde cette fois-ci un sujet particulièrement grave, celui de la fellation imposée aux filles par les garçons, avec à la clé, vidéo publiée sur le web. Les suicides de jeunes filles ne sont pas des cas rarissimes.

Deux garçons adultes qui ne vivent d’on ne sait quoi, deux soeurs lycéennes lesquelles flirtent avec les garçons. L’une se fait manipuler par son copain en l’absence de la sœur aînée partie avec sa classe visiter Auschwitz (Desrosières sait très bien qu’en plaçant le thème de la Shoah chez les maghrébins, il va faire naître d’étonnants dialogues). Comment gérer le problème au retour de la sœur qui va forcément tout apprendre ? Fugue ? Suicide ? La suite est surprenante. La légitime défense aussi.

Évoquer un tel sujet n’est pas tomber dans la facilité qui est celle de nombreux cinéastes, français notamment. On sait que l’art en général, et le cinéma en particulier permettent de contourner un thème par métaphore souvent, par l’humour plus rarement. Benigni a ouvert la voie. Alors, certes, on peut ergoter et dire qu’on ne plaisante pas avec un tel sujet, ou que des jeunes pourraient prendre à la légère le viol, car c’en est un. D’où la nécessité d’expliquer en amont et en aval. C’est donc par l’humour que Desrosières traite le sujet, les dialogues apportent le sourire, parfois le rire dans la salle, même si on ne comprend pas tout, tant le débit de la parole est rapide. Néanmoins, il faut avouer que par moments, le doute s’installe, on peut être proche de la nausée. Mais qu’en aurait-il été si Desrosières avait affronté le sujet de face ?

Du point de vue cinématographique, le long métrage est un vrai régal, tant en ce qui concerne la photographie, avec ce parti pris du réalisateur de présenter face caméra celui ou celle qui téléphone, avec ces visages cadrés au plus près, la richesse des dialogues (là encore Desrosières n’a pas fait dans la facilité), des musiques intercalées dans le film à des moments clés, et surtout le jeu des quatre acteurs/actrices, lesquels nous offrent un panel de visages époustouflants. Les deux sœurs, Souad Arsane et Inas Chanti, déjà dans Haramiste, forment un couple exceptionnel, Desrosières aurait bien tort de s’en passer !

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