Lorsqu’Anna Seghers écrit « Transit » en 1942, elle est au Mexique réfugiée avec son mari, ayant tous deux fui le régime nazi, puis la France où il ne faisait pas bon vivre sous Pétain quand on est communiste, allemand, et qu’on revendique son appartenance à la communauté juive. Il s’agit donc d’un roman autobiographique qui conte les quelques semaines où sa famille a séjourné à Marseille dans l’attente d’un embarquement vers l’Amérique.
Christian Petzold pratique une véritable autopsie de son pays, l’Allemagne, à travers ses films, dont les deux plus récents, « Barbara » sorti en 2012, et « Phoenix » en 2015. Aujourd’hui, il nous livre une magistrale adaptation de « Transit », mais profondément décalée dans le temps.
Un groupe d’allemands tente de fuir Paris, on comprendra quelque temps plus tard que le fascisme recouvre la France actuelle. Les CRS casqués sont bien les nôtres, ceux d’aujourd’hui. Un seul d’entre eux, Georg, parvient à Marseille, un autre est arrêté par la police, un troisième, écrivain, se suicide. Le rescapé se lie d’amitié avec un enfant émigré, sa mère sourde et muette, un couple allemand, lui est médecin. Quant à son énigmatique compagne que Georg croise à plusieurs reprises dans la capitale phocéenne, on apprendra plus tard qui elle est. Ils tentent tous trois de prendre un bateau pour l’Amérique, mais passeports, visas et documents de transit sont indispensables.
Le génie de Petzold a consisté à décaler dans le temps le roman de Seghers : sont conservés Marseille, port de toutes les espérances vers le Mexique, la police française qui, si elle n’est plus la même, conserve néanmoins le même rôle, les réfugiés allemands… Et Petzold balance des comportements attribués à la population française, telle la délation dont on se dit que par les temps qui courent, il ne faudrait sans doute pas grand-chose d’un point de vue politique pour que vers les commissariats, affluent les lettres anonymes.
Petzold confie les deux rôles principaux à deux acteurs allemands d’une parfaite justesse dans leur interprétation, Franz Rogowski dans le rôle de Georg, et Paula Beer, évoluant entre trois hommes, le médecin qui l’a recueilli, Georg qu’elle semble devoir aimer, et le fantôme du troisième, l’écrivain, l’homme de culture que le fascisme a broyé. Un grand film !
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