Cannes, c’est parti depuis deux jours, avec ses paillettes, son luxe, ses robes décolletées et transparentes, son tapis rouge, celles et ceux qui veulent absolument être vus, et son cinéma d’auteur. En ouverture était projeté ainsi qu’à travers la France, dans les salles indépendantes et les multiplex, « Todos lo Saben » de l’Iranien Agshar Farhadi, lequel avait successivement ébloui les cinéphiles avec « une Séparation », « le Passé », enfin « le Client ».
Laura (Pénélope Cruz) arrive d’Argentine avec ses deux enfants, Irène (prononcer « Iréné »), une adolescente hyper-active, et un plus petit à la chevelure abondante et aux grosses lunettes, adorable. On apprendra que le mari est resté là-bas. Ils arrivent en Espagne, pour un mariage familial, dans un village andalou, où l’exploitation de la vigne est sans doute l’une des rares activités du coin. La famille est particulièrement nombreuse, on s’y perd un peu au début d’autant qu’il n’y a pas que la famille qui gravite autour du patriarche devenu vieux. Laura fait donc irruption sur la place, sous l’œil quelque peu pesant et sans doute réprobateur des vieilles qui savent tout, qui semblent être là sur leur balcon depuis la nuit des temps.
La nuit du mariage, pendant la fête, Irène disparaît. Farce ? Fugue ? Enlèvement ? On retourne tout, mais Irène est introuvable. Le mari appelé en catastrophe, les lourds secrets de famille ressurgissent dans cette Espagne à la croisée du modernisme et de lourdes traditions. Farhadi laisse affleurer les problèmes sociaux, Paco le propriétaire terrien se méfiant des quelques jeunes embauchés pour la vendange, peut-être bien immigrés, son épouse Béa balançant au détour d’une dispute, « la terre à celui qui la travaille », slogan des paysans sans terre lors des réformes agraires, mais ici phrase retournée dans la mesure où Béa est riche propriétaire par son mari.
Farhadi a réuni une pléiade d’acteurs et actrices au firmament, Pénélope Cruz, mais aussi sans les citer tous, Javier Bardem dans le rôle de Paco, Barbara Lennie exceptionnelle dans celui de Béa ou Ramon Barea en patriarche. La photographie est remarquable, la mise en scène soignée. Alors, qu’est-ce qui peut bien coincer dans ce film d’ouverture ? En fait, de surprise, il n’y en a pas tant le spectateur a deviné les tenants et aboutissants de l’histoire qui ne recèle aucun mystère. Quant à l’émotion, sans doute la conséquence de l’absence de questionnements, il n’y en a pas non plus. Le spectateur se laisse emmener par l’intrigue dont on sait presque tout avant la fin, ponctuée par une belle allégorie, les employés communaux arrosant la place au jet d’eau le matin comme pour signifier qu’on efface tous les secrets de famille, qu’on balaie tout, et qu’enfin, on oublie tout.
Pas sûr que le Jury se souvienne à l’heure du bilan du Festival !
PS : le titre anglophone qui a remplacé « Todos lo saben » dans la diffusion internationale, sans doute imposé par un producteur, est un scandale de plus, dans cette industrie cinématographique dominée par les américains et à laquelle tout le monde ou presque se soumet !
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