mercredi 16 mai 2018

Que voilà un beau film militant !

Il est heureux que le cinéma d’auteur s’intéresse au mouvement social. Stéphane Brizé fait partie de ces quelques réalisateurs, aux côtés du britannique Ken Loach, qui explorent les luttes sociales, non pas d’un point de vue politique, mais en décryptant la réalité des faits et en les exposant face aux spectateurs. C’est le cas avec « En guerre », présenté à Cannes cette semaine, film militant et donc clivant.

Du côté d’Agen, une entreprise forte de 1100 salariés doit fermer sur ordre du PDG allemand, lui-même aux ordres des actionnaires, jetant sur le pavé des hommes et des femmes, dans une région déjà particulièrement sinistrée en termes d’emplois. Ceux-ci se rebellent, se mettent en grève et occupent l’usine. Le réalisateur nous fait vivre des moments forts de ces trois mois de luttes, de manifestations dans les rues de la ville, des déplacements à Paris au siège du Medef, à Montceau les Mines dans l’autre usine du groupe, à l’Elysée où les responsables syndicaux et leur avocate sont reçus par un conseiller du Président, mais nous fait aussi découvrir les petits moments de bonheur de Laurent Amedeo, leader de la CGT, au sein de sa famille.

Un tel film tombe à point nommé lorsqu’un récent rapport de l’ONG Oxfam indique que la France est championne du monde en matière de dividendes versés aux actionnaires, et que la part des bénéfices consacrés aux investissements ou alloués aux salariés devient la portion congrue.

Stéphane Brizé choisit son camp, celui des salariés face aux actionnaires. Mais il ne fait pas non plus l’impasse sur les divisions syndicales, mettant à nu les idéologies de chacun, ceux qui veulent se battre pour que l’usine ne ferment pas, que les employés continuent à toucher un salaire, et ceux qui se contenteraient d’empocher un chèque négocié en secret avec l’employeur.

La fiction de Brizé, tel un documentaire, on pourrait s’y méprendre, on est loin des caricatures de syndicalistes ou de manifestations qu’on voit trop souvent, est d’un esthétisme époustouflant. La mise en scène et la direction d’acteurs sont vraiment remarquables, d’autant que la plupart de ceux-ci sont des militants syndicaux qui ont déjà connus de telles luttes sociales. Enfin, Vincent Lindon qui tient le rôle de Laurent Amedeo, est exceptionnel. On se dit qu’il ne doit y avoir que lui pour réussir un tel exploit cinématographique.

Ceci dit, celles et ceux qui n’aiment pas les luttes syndicales, qui considèrent que le bon salarié est celui qui courbe la tête quand on le met dehors, qui pensent que patrons et salariés sont sur un pied d’égalité, et qui vouent une véritable haine vis-à-vis de la CGT, ceux-là n’aimeront pas le film de Stéphane Brizé. Je le leur déconseille d’ailleurs. Les autres, courez y !

Quant au Jury de Cannes, comme on dit, leurs voix sont impénétrables. Il peut lui attribuer la Palme, comme totalement l’oublier. Quoiqu’un Robert Guédiguian, présent dans ce Jury, n’a pas dû rester insensible, et c’est un euphémisme. Quant à Léa Seydoux ?

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