mercredi 14 mars 2018

Un Revizor, sorte de pantin chaplinesque

Photo Dominique Vallès
« Le Revizor » de Nicolas Gogol est joué pour la première fois en 1836 en présence du Tsar Nicolas 1er. Si ce dernier s’en serait amusé, des couches entières de la société accusèrent l’auteur de s’en prendre au régime, ce qui amena Gogol à émigrer pour un temps en Suisse et à Paris afin d’écrire « les Âmes mortes ». Il est vrai que le Revizor, sous couvert de la farce, fait dire in fine au bourgmestre en se tournant vers le public, « De quoi riez-vous ? C’est de vous-même que vous riez ! ». De quoi provoquer l’ire des bourgeois corrompus.

L’histoire est assez simple. Dans une ville de la Russie profonde, où ceux qui dirigent sont tous corrompus, avec à leur tête le plus corrompu de tous, le bourgmestre, on apprend l’arrivée incognito d’un Revizor, autrement dit un inspecteur envoyé de Petersbourg. Et comme est installé depuis peu un jeune homme à l’auberge de la ville, on le prend pour le Revizor, chacun rivalisant alors pour le corrompre totalement en espérant en tirer bénéfice.

On doit à Paula Giusti de la Compagnie « Toda Via Teatro », la mise en scène du Revizor, présenté par l’ATAO en ce mardi à Gérard-Philipe. Paula Giusti a fait un choix radical, celui de présenter le personnage de Khlestakov, le faux Revizor, sous la forme d’une marionnette, je dirais plutôt un pantin articulé, haut d’1,60 m environ, bien habillé, et manipulé par la troupe d’acteurs, lesquels le font danser, saluer, gesticuler, flirter, son valet Ossip (Dominique Cattani), manipulateur en chef lui prêtant sa voix. Si l’on devine les intentions de la metteure en scène, le public, devant ce pantin, est comme médusé, hypnotisé, par cet exercice chorégraphique de haute volée. Quant à la troupe d’acteurs, émergent bien sûr Ossip dont j’ai parlé, mais surtout la figure du bourgmestre, rôle interprété par la sublime Laure Pagès, chez laquelle il y a manifestement un côté Chaplin dans ses attitudes. Il est vrai qu’elle a été à l’école du cirque ! Paula Giusti, en ayant affublé chacun d’un faux nez, dans sa direction d’acteurs, glisse vers la Commedia dell’arte, ce qui renforce le sentiment de farce « chaplinesque » de très bon aloi.

Fin mars, la troupe en aura terminé avec la tournée du Revizor, et sa centième représentation, en ayant traversé le théâtre de la Tempête et le Off en Avignon en 2016. Une sacrée réussite !

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