La « Saillie de l’innocence », dont c’était juste la seconde représentation, était donnée au théâtre Clin d’œil à St-Jean de Braye, la scène un peu exiguë malheureusement. On connaît l’histoire : Minos, roi de Crête, a pour épouse Parsiphaé, laquelle en pince tellement pour un beau taureau blanc offert par Poséïdon à son mari, que de leurs amours naîtra un monstre, mi-taureau, mi-homme, le Minotaure, caché au plus profond d’un labyrinthe construit par Dédale. Thésée, envoyé par Athènes pour occire la bête, s’éprend d’Ariane, fille du couple Minos-Parsiphaé et lui promet mariage. Ladite Ariane, tout heureuse, donne alors un fil à Thésée afin de retrouver son chemin en sortie de labyrinthe. Ayant tué le monstre, Thésée retourne à Athènes, abandonne Ariane en chemin, et retrouve Phèdre. On connaît encore la suite : de Thésée et Phèdre naîtra un garçon dont la mère tombera folle amoureuse, et que Racine mettra en vers dans ce fameux monologue que j’ai eu la chance d’entendre sur la scène de l’Odéon, dans la bouche d’Isabelle Huppert !
Venge-toi, punis-moi d'un odieux amour ;
Digne fils du héros qui t'a donné le jour,
Délivre l'univers d'un monstre qui t'irrite.
La veuve de Thésée ose aimer Hippolyte !
Délivre l'univers d'un monstre qui t'irrite.
La veuve de Thésée ose aimer Hippolyte !
Mais on s’écarte ! Christophe Thébault a passé commande d’un texte auprès d’une auteure nantaise, Izanne, présente ce soir à Clin d’œil. Une partie est en prose, l’autre en vers, le texte est magnifique, puissant, dévoré à pleines dents par les cinq acteurs qui ont dû le savourer en apprenant cette petite merveille littéraire.
Sur le plateau, on retiendra Clémence Mercier qui est une Parsiphaé tiraillée entre son mari qui la rejette, sa fille Ariane, et celui qu’elle a mis au monde tout en étant un monstre et qu’elle ne peut ignorer ; Alexis Ramos, un Minos hautain ; Maxence Thireau, superbe dans le rôle de Thésée lorsqu’il affronte le Monstre ; Tamari Tchabukaidze est une très belle Ariane, amoureuse, un peu ingénue ; et surtout un exceptionnel Matthieu Jouanneau qui campe un Minotaure bestial, grognant, éructant, se complaisant dans la glaise et la poussière dont il se recouvre le corps : formidable acteur qui récemment jouait Feydeau dans un rôle aux antipodes du Minotaure !
Christophe Thébault a choisi une mise en scène « terrienne », bien qu’on soit dans un univers mythologique, le Minotaure et Thésée n’hésitant pas à se couvrir le visage d’argile, de laine, et autres ingrédients lors de leur combat, que peut-être j’aurais préféré moins terrifiant, plus « olympien », même si tuer un monstre ne peut se faire à fleurets mouchetés. Terrienne aussi lors de la naissance du Minotaure, morceau d’argile malaxée, et une Parsiphaé qui se tord de douleur lors de l’accouchement. Le monstre n’est pas né dans les choux !
In fine, après que chacun soit sorti du plateau, le Minotaure se relève et prévient l’assistance que la bête immonde ne saurait être morte, on pense au fascisme, au nazisme, aux guerres qui parsèment le monde encore aujourd’hui, aux crimes de masse… Spectacle qui prend aux tripes et qui mériterait amplement une importante tournée. Le Krizo est toujours excellent !
MERCI BEAUCOUP BEAUCOUP BEAUCOUP !!!!!
RépondreSupprimerOui, merci beaucoup !!!!
RépondreSupprimerMerci pour votre regard et votre plume. Très touché. Bien à vous
RépondreSupprimerTrès bel article pour un magnifique spectacle ! A découvrir et à faire connaître. Bravo à tous (Michel)
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