En mai et juin 2016, Séverine Chavrier présentait aux Ateliers Berthier, deuxième salle du théâtre de l’Odéon, « Nous sommes repus, mais pas repentis », puis en parallèle, « les Palmiers sauvages ».
La seconde pièce est adaptée d’un roman éponyme de William Faulkner et a été présentée à Orléans en mai de l’année dernière. J’en avais parlé à l’époque. Impressionné par la mise en scène, par le jeu des deux acteurs, par la scénographie considérable, j’avais dit ma perplexité, n’ayant pas lu le roman. Texte que j’ai lu depuis, et qui ne m’a pas fait regretter l’ordre des choses, théâtre puis lecture du texte.
« Nous sommes repus… » est repris cette semaine à Orléans. Adaptée d’un roman de Thomas Bernhard dont le titre dans la traduction française est « Déjeuner chez Wittgenstein », la mise en scène reprend globalement les ingrédients des Palmiers sauvages. Débauche d’énergie chez les acteurs, notamment le sublime Laurent Papot, lequel était Harry dans les Palmiers, plateau qui regorge d’accessoires, tables et chaises, vaisseliers, lits en fond de scène, piano sur lequel Séverine Chavrier nous fait à nouveau découvrir tout son talent de pianiste, vidéos sur écran géant en fond de plateau, étagère monumentale sur le côté qui s’effondre, enfin retenue par des câbles… On ajoutera un stock incroyable de vaisselle cassée que les trois acteurs n’hésitent pas à traverser dans un bruit qu’on imagine.
Nous sommes en Autriche, à Vienne, dans une famille bourgeoise : deux sœurs actrices, un frère philosophe que la maladie mentale a frappé. Il est probable que la pièce se situe pendant la montée du nazisme, mais elle pourrait bien se caler plus tard, et peut-être aujourd’hui, tant elle semble intemporelle. La fratrie prépare le déjeuner, ou plutôt l’une des deux sœurs, repas qui se terminera par des profiteroles dont l’usage suivra celui de la vaisselle.
Qui est le plus fou des trois. Le frère, soit ! mais ne simulerait-il pas ? Sa haine de Wagner, par ailleurs adulé par le régime nazi semble donner des indices. Quant aux deux sœurs, elles ne semblent pas si saines d’esprit que cela. Thomas Bernhard dénonce la montée du nazisme et de ses corollaires, mais aussi la lente décadence des valeurs humanistes, le pourrissement des sociétés bourgeoises, et principalement celle de son pays, l’Autriche. Ce qui ne lui valut pas beaucoup de sympathies chez lui !
Quant à la mise en scène de la Directrice du CDN d’Orléans, proche répétons-le de celle des « Palmiers sauvages », mais cela semble avoir été voulu, mêlant vidéos, musique classique, théâtre, elle fait néanmoins preuve d’originalité et d’énergie débordante. Il ne fallait pas avoir peur de déverser la vaisselle cassée sur le plateau ! Notons aussi les différents tons de voix, des chuchotements (avec micro, ce qui permet à peu près tout), aux cris quasi assourdissants, les deux sœurs interprétées par Marie Bos et Séverine Chavrier elle-même, lesquelles ne jouent pas sur le même registre, et faut-il le répéter, le sublime Laurent Papot, lancé parfois dans des numéros haut de gamme. Et puis quelques ajouts, quelques clins d’œil, on parle de 3 suicidés par jour à Orléans, on évoque Castellucci… Et beaucoup d’images métaphoriques qui donnent une vraie consistance au spectacle. Enfin, quelques élèves du Conservatoire viennent clôturer la pièce, comme si la musique classique adoucissait les mœurs. Mais ce doit être vrai !
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