lundi 19 février 2018

Chef d'oeuvre de haute couture

Il arrive parfois qu’on se rende au cinéma en s’attendant à voir un bon film, mais sans plus. La première demi-heure ne vous fera pas changer d’avis, puis petit à petit, vous découvrez une œuvre cinématographique exceptionnelle, tant par la photographie et sa qualité picturale, le jeu de ses acteurs, le scénario, le décor, la musique et j’en passe. C’est exactement ce qui vient de m’arriver avec « Phantom Thread » (fil fantôme littéralement) du réalisateur US Paul Thomas Anderson, film qui doit être considéré comme une réussite parfaite de l’art cinématographique.

Nous sommes à Londres, dans les années 50. Le couturier Reynolds Woodcock qui habille les familles royales européennes, s’éprend d’une jeune serveuse prénommée Alma, un soir alors qu’il déjeune seul dans un restaurant de campagne. Il en fera une sorte de muse, d’abord comme mannequin, puis comme compagne, avant d’en faire son épouse, dans sa maison de couture où règne la sœur du couturier, Cyril, dans une sorte de ménage à trois. Ce sont les rapports entre ces trois personnages que dissèque Anderson en un peu plus de deux heures.

Tout d’abord, Daniel Day-Lewis, dont on nous dit qu’il s’agit de son dernier film, et qui avait rayonné dans « Lincoln » de Spielberg, incarne un couturier qui a ses manies et qui refuse obstinément de faire la moindre concession, totalement investi dans ses modèles qu’il dessine même la nuit de la Saint-Sylvestre : personnage parfois terrifiant, bourru, rejetant la mode « chic », le visage froid, la chevelure argentée.

Ensuite, Lesley Manville, la sœur au prénom masculin Cyril, d’une froideur à toute épreuve, qui connaît parfaitement son frère, capable de prévoir ses réactions à toute nouveauté, un régal.

Enfin, la luxembourgeoise Vicky Krieps, énigmatique, au léger sourire, dont on ne sait si elle aime son couturier ou si elle rêve seulement d’ascension sociale, genre Machiavel féminin.

Ces trois là sont exceptionnels : un battement de paupière, une mèche de cheveux qu’on remet à sa place, un sourire imperceptible, un œil qui en dit plus que de longues phrases, leurs visages, leur manières d’être, de se mouvoir, de bouger une main, dans un jeu de lumières ocre, photographie qui nous fait penser à des œuvres picturales de musées.

Enfin, le scénario dû à Anderson a de quoi laisser le spectateur totalement effaré quant aux relations qui lient les deux amants dans un jeu digne des meilleurs thrillers, le tout baignant dans une musique où les compositeurs classiques sont légion. On sort médusé par un tel chef d’œuvre de haute couture cinématographique.

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