« Makala », à la fois fiction et documentaire sur la République démocratique du Congo, qu’on appelait naguère Congo-Kinshasa, ou Zaïre, et plus avant Congo belge, film réalisé par Emmanuel Gras, a obtenu le Grand Prix de la Semaine de la Critique au dernier festival de Cannes. Il conte l’épopée d’un villageois parti à la ville, l’énigmatique Kolwezi (1).
Les premières images sont exceptionnelles : la caméra suit un homme à travers une végétation peu dense, le vent soufflant fort. Il s’arrête alors devant un vieil arbre. Je n’avais encore jamais vu au cinéma, un arbre filmé de cette façon : la caméra suit le tronc, les branches pour revenir au paysan qui attaque la base à la hache. L’arbre tombera quelque temps après.
En fait, cet homme vit dans une cabane avec son épouse et deux petites filles. Son but consiste à construire une nouvelle maison qu’il dessine déjà, imaginant les arbres qu’il plantera tout autour. Pour s’acheter des tôles pour le toit, il part à pied à la ville vendre son charbon de bois, entassé sur un vélo. L’épopée débute en nuit, sur les chemins, puis sur une route en terre, croisant des véhicules dans des nuages de poussière. La ville atteinte enfin, c’est le jeu du marchandage qui commence. La prière catholique, sorte de transe païenne sous un chapiteau, vaut à elle seule le détour.
On ne sait plus si on baigne dans la fiction ou le documentaire, chacun oubliant la présence de la caméra. Kolwezi la rebelle avec ses couleurs, son marché, ses boutiques, où tout s’achète et se revend, ses foules denses, nous offre un très fort moment cinématographique.
Quant à l’acteur qui tient le rôle du charbonnier, il est tout simplement fascinant, la caméra tournant autour de lui, arc-bouté sur son vélo qu’il pousse tel Sisyphe et son rocher. Emmanuel Gras a su créer une véritable chorégraphie cinématographique avec la caméra qui danse, les lumières des phares dans la nuit, les paysages superbes, et la mythique Kolwezi. Du grand et superbe cinéma, justement récompensé à Cannes !
(1) Le 13 mai 1978, à la suite de l’entrée en ville de « rebelles katangais», la Légion étrangère française fut parachutée sur la ville. Le bilan fit état de près de 1000 morts.
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