dimanche 10 décembre 2017

Deux "Sacres" font revivre Nijinski

Costumes de Laurence Chalou
Après « (S)acre » du chorégraphe David Drouard présenté le mois dernier à Orléans, la Scène Nationale ouvrait ses portes à Dominique Brun, pour cette fois-ci, deux « Sacre du Printemps » en une seule soirée, laquelle affichait complet depuis pas mal de temps (900 places, on n’est pas à Bastille, tout est relatif).

Dominique Brun, danseuse et chorégraphe, effectue depuis de longues années, un travail de recherches sur le répertoire historique, et plus particulièrement sur les ballets de Nijinski tels qu’ils furent danser au début du siècle, à partir du système Laban, d’archives, de photographies, afin de leur redonner vie, et de les mettre en relation avec les danseurs contemporains.

Deux « Sacre » donc, mais une seule et même chorégraphie, à peu de choses près. Ce qui change : le décor, les costumes et la musique, laquelle si elle est bien de Stravinsky, diffère d’une version à l’autre. La première, orchestrale, est jouée sur instruments d’époque, la seconde voit la partition réduite pour pianola, les deux sont enregistrées.

En première partie, un décor en fond de plateau représente un lac entouré de montagnes, un tapis vert jonche le sol. Les danseuses portent des robes de couleurs dégradées, rouges, bleues, vertes, les hommes des vêtements amples blanchâtres zébrés de couleurs vives.
En seconde partie, le décor a disparu, fond et sol noirs ; danseuses avec pantalon noir et tee-shirts vert, bleu ou violet rappelant les couleurs des robes ; in fine, lorsque l’Élue est présentée aux dieux, tous sont de noir vêtus, sauf l’Élue en blanc.

Quant à la chorégraphie, sans doute proche de ce qu’ont pu voir les Parisiens le 29 mai 1913, date restée célèbre dans l’histoire de la Danse, elle m’a fait songer durant le spectacle, à l’art naïf pictural, dans la posture, la manière de se déplacer sur scène, celle de frapper le sol de ses pieds, la position des bras, des mains, la courbure du dos, impression renforcée par le rideau peint en fond de plateau. Clin d’œil à la variation des quatre petits cygnes du Lac, m’a-t-il semblé, à moins que ce ne soit qu’une illusion, et postures rappelant celles de l’Après-midi d’un faune, mais ceci n’est pas surprenant, évidemment.

Trente danseurs, hommes et femmes réunis sur le plateau, pour une « re-création » selon le terme de Dominique Brun, chaleureusement applaudis.

Personnellement, et je pense une majorité de spectateurs à en croire quelques échos à la sortie, ont préféré la seconde version, sans décor, aux costumes à minima et à la musique moins prenante que l’orchestre, sans doute parce que rien ne perturbant les sens, le spectateur a le regard rivé exclusivement sur la danse qu’il peut dévorer des yeux. C’est d’ailleurs dans cette seconde version que j’ai pu réellement analyser les mouvements chorégraphiques, les petits détails qui m’avaient échappés la première fois, lorsque je recevais « en même temps » la musique orchestrale, les costumes, le décor et la danse.

Expérience hautement intéressante qui consiste à assister à ce ballet en doublon où l’on ne voit pas la même chose, où le ressenti varie en fonction des sens en éveil ou non !

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