Borderline parle des migrants, on dira sujet à la mode, certes, mais drame continuel en Méditerranée qui ne semble émouvoir que celles et ceux confrontés directement à leur sauvetage ou à leur accueil sur le sol européen. On nous rétorquera que notre compassion va aux victimes du terrorisme, et que celle-ci ne peut se partager, sous peine de se dissoudre. A voir…
Le texte est de l’autrichienne Elfriede Jelinek, Nobel en littérature en 2004. Texte qui procède par flash, tantôt sur le bateau dont le moteur pollue avant de tomber en panne, tantôt sur la terre européenne, tantôt faisant référence à la guerre de Troie, aux récits mythologiques où l’on fait offrande aux dieux, tantôt donnant la parole aux européens qui redoutent l’arrivée des migrants. Texte dit par quatre acteurs flamands installés côté cour autour d’une table métallique, dans leur langue, sur un ton monocorde comme reflétant le désarroi total de tous devant ces drames, l’absence de réaction des nantis, le silence complice. Des caméras filment les quatre acteurs dès qu’ils parlent, leur image apparaissant sur écran géant en fond de scène, en double visage, se confondant avant de se disjoindre, tels les migrants aux deux pays, la terre d’origine et la terre d’accueil. L’écran géant cèdera la place à de multiples écrans de télévision symbolisant le flot d’images que nous autres recevons quotidiennement, bien installés dans nos fauteuils.
Une douzaine de danseurs, ceux du Conservatoire de Lyon, entrent sur scène, s’allongent à même le sol. On les recouvre de longues poutres en équilibre instable, qui oscillent, tanguent, telles les embarcations secouées par la mer. Des éléments chorégraphiques parsèment les 75 minutes que dure la pièce, pas toujours faciles à suivre lorsqu’on est absorbé par la lecture des surtitres. Dans une dernière partie, sur la terre européenne, trois murs s’élèvent autour des 16 acteurs/danseurs, métaphorant l’absence d’avenir sur cette nouvelle terre, sorte de prison sociale, culturelle, linguistique, d’où il est difficile d’échapper.
Au final, que retenir de cette pièce (je ne puis, tant le sujet est grave, employer le mot spectacle), mise en scène par le belge Guy Cassiers, lequel dirige la scène flamande d’Anvers ? Un texte fort certes, une chorégraphie à minima, c’est dommage, et un ensemble provoquant un sentiment trouble, avec un goût d’inachevé comme si le duo Cassiers/Le Pladec était resté hésitant, sans solution, comme les dirigeants européens devant la marée des migrants.
Il y a des mises en scènes plus ou moins évidentes en fonction des thématiques abordées, et je suis d’accord avec le fait qu’on aurait pu attendre un peu plus de la partie chorégraphique.
RépondreSupprimerLe sur titrage n’a pas toujours été évident à suivre car il y avait à voir les danseurs, les acteurs et les vidéos en fond de scène.
Ce que je retiens de ce travail c’est l’aspect dramatique de la situation qui dure et qui laisse de nombreux concitoyens indifférents. Comme il est dit dans l’un des dialogues « On s’émeut pour un animal de compagnie sur nos écrans et rien pour nos semblables humains.. ».
La mise en scène aborde de nombreux drames que vivent les migrants et je me demande ce qu’en aura pensé l’un des lycéens arrivé en France il y a à peine un an, présent à cette représentation et qui passera son bac cette année dans une langue française plus que correcte.
J’ai également eu une pensée pour un jeune garçon de 9 ans que j’ai côtoyé et qui a vu quasi toute sa famille périr en mer …
Enfin, en sortant de la salle je me suis demandée quel pouvait être l’impact de ce spectacle de la misère humaine et dans quelle mesure le spectateur saurait devenir acteur ?