lundi 16 octobre 2017

On diablogue dur à Clin d'oeil

Vendredi soir, le théâtre Clin d’œil, sis à St Jean de Braye, lançait sa nouvelle saison 17/18 devant une salle comble, qui de l’avis des organisateurs, aurait pu accueillir, si les murs pouvaient être poussés, trois fois plus de monde ! Comme quoi, le bon théâtre, celui qui revendique exigence et qualité, et qui incite l’œil et l’oreille du spectateur à penser, attire toujours les Orléanais. Il suffit simplement de le vouloir, ce qui ne semble pas être du goût de la municipalité socialiste, qui depuis un an, interdit à la compagnie Clin d’œil, l’usage de la salle des Fêtes, après avoir réduit drastiquement sa subvention. Voilà, je l’ai écrit, que cela plaise ou non !

Donc, après une présentation des spectacles de l’année à venir par le trio Audax, père, mère et fille, cette dernière étant la directrice artistique, place a été faite à deux artistes locaux, Hugo Zermati et Mathieu Jouanneau dans un spectacle haut en couleurs mis en scène par eux-mêmes, tiré des Diablogues de Roland Dubillard, écrits tout au long de la seconde moitié du XXème siècle, d’abord pour la radio, ensuite pour le théâtre.

En fond de scène, un décor avec une échelle à gauche, un très vieil et énorme ordinateur, au milieu à moins que ce ne soit une télé des années 50/60. Devant, une chaise et une malle qui s’ouvrira un peu plus tard et d’où sortiront un bouchon, unique objet d’une « collection », car les collections uniques sont toujours les plus convoitées, un très ancien projecteur 8mm qu’on trouve encore dans les musées ou les greniers, et autres objets de bric à brac.

Hugo et Mathieu ont choisi 8 textes et nous les présentent, avec une envie de s’éclater totalement sur le plateau. Il y a tout d’abord « le Plongeon » où nos deux artistes, dont seule la tête dépasse au-dessus du décor, veulent sauter dans l’eau, mais comment faire ensemble et pas l’un après l’autre ; « la Pluie » ensuite, dont on se demande si c’est elle qui mouille ; « la Collection » de billets de 500€ qui ne s’échangent pas, et celle d’un unique bouchon ; « Violences », où l’on règle ses comptes avec le journaliste de la République du Milieu (ça ne s’invente pas) en offrant des fraises moisies ; des souvenirs qu’on se remémore en dénichant un vieux film en « 8mm » ; viennent ensuite « les Oiseaux », et l’on se demande quel volatile on voudrait être s’il était possible de changer d’apparence ; « Self-défense », ou le judoka a bien des difficultés à tenir debout ; enfin, « la Poche et la Main », où l’on découvre que mettre sa main gauche dans la poche de droite n’est pas toujours facile.

Théâtre de l’absurde dit-on, rien n’est moins sûr ! Derrière ces dialogues qui font rire, pointent les choses du réel, celles que chacun rencontre un jour, où comme disait Lacan, « le réel, c’est quand on se cogne », parce que dans ces Diablogues, les répliques que balancent les deux comédiens ont vite fait de se heurter aux murs de la scène et de rebondir dans la salle (un peu surchauffée, faut le dire !).

Hugo et Mathieu ont délibérément choisi le côté farce, un peu commédia dell’arte sans masque, appuyant très fort sur les gags, jetant toutes leurs forces dans la bataille du plateau de théâtre. Et ça fonctionne à merveille ! Un sketch rappelle les « Tontons flingueurs », mais Hugo a l’habitude depuis son « hommage » qu’il répand un peu partout dans la région orléanaise. Une véritable complicité unit spectateurs et comédiens qui sont embarqués sur le même navire afin de passer une soirée fort divertissante, mais très loin du côté ras de pâquerettes, comme c’est trop souvent le cas. Ici, on pense, on poétise, on prend de la hauteur, et c’est fort agréable.

« Qui se promène les pieds dans ses poches, 
il arrive qu'il croie marcher encore, 
cependant que déjà, et sans que rien l'en avertisse, 
il rampe. »

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