jeudi 17 août 2017

Portrait au vitriol de la Russie

L’Ukrainien Sergei Loznitsa présentait, lors du dernier Festival de Cannes, « Une femme douce », laquelle, son mari étant en prison sans raison, tente sans succès, de lui porter un colis et de le rencontrer. Elle n’essuiera que refus de la part des autorités, sans explication aucune.

En fait, au travers de cette fiction, le réalisateur règle ses comptes avec le Pouvoir russe, qu’il soit soviétique ou Poutinien, peu importe, d’ailleurs on n’en sait rien, et au-delà avec le peuple russe qu’il accuse carrément d’accepter que ce pays, celui de Pouchkine, tombe aussi bas dans la veulerie , voire carrément la pourriture, sans qu’il ne se révolte aucunement. La toute dernière image, celle où les gens pioncent dans la salle d’attente d’une gare pendant qu’on embarque la femme douce, est une terrible métaphore : il faut voir là l’apathie totale du peuple russe.

Au cours de son voyage vers la prison où se trouve, du moins le pense-t-elle, son mari, elle rencontre une multitude de personnages que Loznitsa  dépeint comme des buveurs, chanteurs, fêtards… Il y a la fonctionnaire bornée, les salauds de flics, les types troubles, les putes, le mafieux escorté par deux gorilles… et la défenseure des Droits de l’homme qui n’est d’aucune utilité. On se dit que dans ce coin de la Russie, tous les individus pourris se sont donnés rendez-vous, le tableau que nous dresse Loznitsa étant d’une noirceur extrême. Ajoutons à cela, un bus déglingué, des taudis, des zones de non droits, des quartiers totalement délabrés, voire éventrés, mais des statues datant de l’époque soviétique, sans oublier les rues portant toutes des noms de révolutionnaires, de Marx à Lénine en passant, m’a-t-il semblé, par Dzerjinski. Loznitsa ne recule devant rien, décidément, pour régler ses comptes.

Et puis il y a ce dernier quart d’heure sans lequel le film n’aurait sa raison d’être, le moment où la femme douce entre dans un rêve fellinien, métaphore d’un pays que Loznitsa considère comme une mascarade, une foire, une immense tartuferie, une hypocrisie sans nom. Manifestement, il ne se fait plus aucune illusion sur l’avenir de son pays.

Ceci dit, d’un point de vue cinématographique, c’est de la belle ouvrage, avec notamment des portraits dignes des meilleurs peintres réalistes, et je pense à cette scène, où dans un bus, la femme douce est seule entourée d’hommes aux visages burinés, ou bien cette espèce de jeu qui consiste à faire tourner une bouteille, où le sexe et l’alcool rivalisent.

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