Tony Gatlif est un cinéaste du voyage, d’abord parce que dans sa vie, fils d’un père kabyle et d’une mère gitane, né à Alger, il parcourt la Méditerranée. Installé en France, ayant appris à lire sur le tard, il met en scène la communauté du voyage à travers plusieurs films pour lesquels l’exil est le thème favori du cinéaste. Il en va ainsi de son dernier long métrage, « Djam ». Mais Gatlif situe aussi ses histoires dans la société que nous connaissons avec ses joies illustrées par la musique populaire gréco-turque, le Rebetiko, et la réalité de ce monde que Djam qualifie de cruel dans une de ses chansons. La première image du film donne déjà le ton : Djam chante le long d’un haut grillage, métaphore des replis communautaires modernes.
Dans un petit port grec, Djam est une jeune fille insouciante : elle chante, danse, aide son oncle en promenant des touristes en mer, et parle le français sans accent, ayant déjà connu l’exil dans sa tendre enfance avec ses parents et son oncle. Une bielle cassée, son oncle l’envoie à Istanbul pour en chercher une neuve. En chemin, elle rencontre une jeune française, perdue, désargentée, et qui provient de la « banlieue ». Tout est dit.
Au retour, devant rendre visite au reste de la famille quelque part en Turquie, Djam et sa copine errent sur les routes où Gatlif dresse le portrait de personnages rencontrés au détour d’un chemin, ou dans un bar, tous malmenés par la société qui n’est pas tendre face aux petits, à ceux qui vivent de peu.
In fine, Gatlif balance fort sur la crise migratoire, tombeau de bateaux échoués là, entourés de milliers de gilets de sauvetage dont les migrants n’ont plus que faire, et sur les banquiers rapaces qui poussent la famille de Djam à reprendre le chemin de l’exil.
Long métrage d’une immense fraîcheur, avec Daphne Patakia, actrice sans frontières (née en Belgique, études théâtrales en Grèce, installée en France), laquelle apporte au film son enthousiasme, sa joie de vivre, son dynamisme, son visage expressif respirant la volonté et la bonté dans l’âme.
RépondreSupprimerFilm fort dans ce qu’il décrit et dénonce de la souffrance de l’exil… de la nécessité de conserver sa culture par le chant et la musique dans tous les lieux de vie : pubs, tavernes, cafés ou simplement en famille ou en plein air…
Ce qui est décrit n’est pas un rêve mais ce que vivent de nombreuses personnes poussées, à quitter leur pays avec tous les drames et l’arrachement que cela suppose ( qu’ils adoptent ou non une nouvelle identité).
Le monceau d’amas de gilets de sauvetage et de bateaux échoués me laisse à penser qu’il ne s’agit pas à parler directement d’un génocide dans sa définition originelle mais que l’on n’en est pas loin, voire une nouvelle forme.
Et pourtant, ce film, invite malgré ce drame de l’exil, cette déchirure à revenir à l’essentiel, à être pleinement vivant et solidaire avec comme moyen d’expression le chant et la musique.